Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une littérature spéciale s’est créée, développée à mesure que les sports — le cyclisme, le tourisme, la boxe, la natation, le foot-ball, le tir, le tennis, l’hippisme, etc. — ont grandi. Cette littérature est, hélas ! un mélange d’expressions, de termes, empruntés à toutes les langues, surtout à la langue anglaise. Il semble qu’il ait été de bon ton, pour rehausser le prestige des athlètes, de créer à leur usage un parler — ce n’est point une langue — dont le profane saisit imparfaitement le sens. C’est au moins ainsi que l’on peut juger les élucubrations d’un « chien écrasé » en mal de… mots, dans le compte rendu d’une réunion cycliste :

À l’avant-dernier tour, Alavoine s’échappe et dépose[1], Christophe…
xxxx Les tours sont abattus en 33 s., le dernier en 31 s.
xxxx C’est du 43 kil. 600 de moyenne, c’est-à-dire un peu dur pour Christophe qui fut doublé au 14e tour.
xxxx 2e manche. — L’équipe Georget-Godivier a l’avantage au 10e tour ; Alavoine mène pendant deux tours aux applaudissements du public pour remettre les choses en ordre, mais il échoue. Alavoine s’échappe au 14e tour il accomplit les derniers 400 m., en 38 s. soit à 48 kilomètres…
xxxx On réclame un tour d’honneur pour Alavoine et Christophe. L’équipe perdante fait les balustrades Gloria Victis
xxxx Tout le monde ensemble au 10e kilomètre, mais on annonce une prime de 25 fr. que Godivier s’offre superbement, Georget reprend aussitôt et le lot s’égrène.
xxxx C’est alors la lutte à outrance, Godivier reprend Georget et c’est un train fou…
xxxx Au 120e tour, les équipes doublées descendent pour les cinq derniers tours et le sprint…
xxxx Alavoine et Godivier s’expliquent et c’est Alavoine qui gratte Godivier relevé.
xxxx On passe au second sprint avec Vallinthout, Louet, Robert, Auger qui se classent dans l’ordre. Vallinthout surprend ses partenaires qui s’attardent en jouant aux « as »[1].

La rédaction de cet étrange compte rendu eût sans doute été à maintes reprises plus accessible au lecteur, si le correcteur avait eu quelques notions de… sports, de style sportif et de ponctuation. Mais, au fait, peut-être rédacteur et correcteur firent-ils, eux aussi, « sous les huées de la foule,… les balustrades : væ victis ».

Un correcteur qui veut être digne de son nom ne saurait être aussi

  1. a et b Reproduction textuelle d’un compte rendu paru dans la Dépêche du Centre.