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quer : « Il est facile d’écrire : la plume vole, la ponctuation se sème au hasard, on orthographie selon Boiste, Noel, Napoléon Landais, l’Académie même ; on n’est point arrêté par l’emploi raisonné des majuscules, des minuscules, de l’italique, des points d’interrogation, d’exclamation, par l’accord des mots entre eux, par l’emploi des guillemets, des parenthèses, des traits d’union ; on n’est point astreint surtout et rigoureusement à l’observation des règles de tel ou tel dictionnaire, de celui de l’Académie, par exemple,… qui établit des distinctions bizarres, absurdes, sans compter les nombreuses exceptions créées par le caprice du « maître », qui n’est pas toujours conséquent avec lui-même, et qui n’en exige pas moins que l’on se conforme à sa volonté[1]… » — À moins de se heurter à l’obstacle infranchissable d’une partialité voulue, un correcteur intelligent saura éviter la roche tarpéienne dont on le menace.

VII. Ici une question se pose, dont la solution est assez importante : « Le correcteur peut-il obliger le compositeur à se conformer à une orthographe fantaisiste ?… »

Si les indications portées sur le manuscrit sont données d’une manière fort claire et appuyées d’observations particulières, le principe : « Suivez votre copie » acquiert une force dont l’autorité est indiscutable, du fait de la volonté de l’auteur nettement manifestée. Le compositeur doit s’incliner, sous peine de supporter les conséquences de son trop d’indépendance.

Dans le cas contraire, le compositeur, qui aura également « suivi sa copie », aura gain de cause : l’auteur, réformiste ici, classique dans une autre circonstance, fréquemment d’opinion incertaine, devra payer les frais de correction que sa fantaisie aura nécessités[2].

VIII. Si l’on ne peut solliciter d’un auteur qu’il accepte toutes les modifications apportées au manuscrit par le correcteur dans un

  1. A.-T. Breton, Physiologie du Correcteur d’Imprimerie, p. 30.
  2. L’article 11 du Règlement de l’Imprimerie plantinienne disait : « Le compositeur qui avait le dernier achevé sa tâche devait porter les épreuves chez le correcteur. Le compositeur devait soigneusement corriger toutes les fautes signalées ; mais, s’il y avait à corriger plus de trois mots et plus de six lettres ne figurant pas sur le manuscrit, le maître était tenu de payer de ce chef une indemnité spéciale au compositeur. »