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l’orthographe d’un auteur chaque fois qu’il prendra fantaisie à celui-ci de s’écarter des règles de la grammaire et des usages du dictionnaire ? » — Plutôt, le correcteur doit-il respectueusement faire remarquer à l’auteur les anomalies, les contradictions, les erreurs constatées, et avant toute modification attendre une solution ?

À vrai dire, l’attitude à observer dépend des circonstances et des situations. Une même façon de procéder dans des cas analogues peut en des circonstances dissemblables inspirer chez deux auteurs des sentiments bien différents qui tiennent au caractère même des intéressés. — L’un se félicitera du soin avec lequel son travail aura été expurgé ; il remerciera pour les contradictions que la vigilance du correcteur aura signalées ; il éprouvera quelque reconnaissance pour le travailleur qui se sera essayé à donner au livre « le vernis superficiel qui en fera une œuvre d’art » ; il songera « qu’il y a loin de cette façon de procéder à celle qui consisterait à corriger ses phrases mal à propos ou à faire des changements sans être certain de leur absolue nécessité », ce qui serait l’indice d’une légèreté incompatible avec le caractère d’un correcteur avisé. — Il est, au contraire, des auteurs dont la dignité (?) s’offusquera non point d’une observation, mais de la moindre demande d’un « petit » correcteur d’imprimerie. Ne sutor ultra crepidam !

Il est, on le conçoit aisément, impossible au correcteur de connaître, dès le moment où lui est confiée la correction d’un nouveau labeur, quelle attitude l’auteur tiendra à cet égard ; il lui sera nécessaire dans ces conditions d’exécuter son travail avec le plus de soin et de régularité possible ; mais, dès le retour de la première épreuve, le correcteur sera fixé. Il convient donc que celui-ci puisse examiner cette épreuve avec la plus grande attention ; qu’il s’assure, là où il avait éprouvé un doute et l’avait signalé, de l’orthographe réclamée par l’auteur ; qu’il revoie attentivement si quelque modification n’a pas été apportée à la manière de ponctuer et d’accentuer, si certains faits qui lui paraissaient présenter une incertitude et sur lesquels il avait cru pouvoir attirer l’attention ont été rectifiés. Enfin le correcteur — non moins que le prote ou le metteur en pages — doit rechercher si le goût de l’auteur est satisfait de la disposition générale du travail[1].

  1. Dans son Traité de l’Imprimerie (p. 120), Bertrand-Quinquet donnait aux compositeurs des conseils dont le correcteur du xxe siècle pourrait faire avantageusement