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Cependant le plaisir qu’un ouvrier éprouve de savoir qu’il a consciencieusement accompli son devoir n’est point négligeable : c’est un encouragement à persévérer dans la voie suivie, un stimulant pour mieux faire, une force qui aide au nouvel effort. Ce n’est pas, sans doute, cette amélioration matérielle vers laquelle les travailleurs tendent de tout leur pouvoir ; c’est, au moins, un peu de baume moral qui panse les blessures des reproches non fondés, des vexations inutiles ; c’est la preuve manifeste de quelque considération ; c’est un peu d’espoir pour un avenir meilleur. — Les maîtres imprimeurs ne doivent pas oublier le profit qu’ils peuvent tirer de cette attitude.

D’autre part, si incidemment un auteur exprime le désir de connaître ce collaborateur dont on lui signale avec force compliments et les capacités et les qualités, le correcteur saura habilement faire rejaillir sur la Maison la flatterie de quelque compliment intéressé : sa personnalité importe peu dans la circonstance ; ce qui seul est en cause, ce qui seul est à envisager est le profit moral ou même matériel que le patron retirera de l’aventure.

Quelle que soit, d’ailleurs, la considération dont un patron entoure son correcteur, quel que soit l’intérêt qu’il lui porte et le soin qu’il a pris dès lors de sa situation matérielle, il ne peut le considérer comme lié à tout jamais au sort, à la fortune de sa Maison. Des considérations personnelles, des raisons de famille, enfin des motifs d’ordres divers peuvent un jour engager ou obliger le meilleur et le plus dévoué des employés à quitter une Maison qui lui fut toujours hospitalière. Le fait n’est pas moins déplaisant pour le maître qu’il n’est sans doute dans maintes conditions pénible pour l’ouvrier.

Un patron avisé et intelligent exprime ses regrets de perdre un collaborateur auquel il était attaché et dont il avait apprécié les capacités. En toute sincérité, il peut alors estimer que cet acte de justice est suffisant et qu’il n’est tenu de rien au delà. Ce patron a sans doute raison pour le passé et pour le présent ; mais nous pensons qu’un autre devoir lui incombe pour l’avenir : celui de ne se souvenir que des services rendus et de se… taire. C’est assurément manquer à la bienséance la plus élémentaire, aux règles de laquelle un ancien patron, quoi qu’il pense, est toujours tenu, que d’apprécier en termes déso-