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en recourant même, si besoin était, à des éléments étrangers à l’imprimerie. On ne devait pas se montrer très rigoureux, semble-t-il, sur le chapitre des connaissances. Un des nouveaux promus se trouva certaine fois devoir lire une copie dans laquelle était intercalé un court passage de Tite-Live. Un correcteur, qui appartenait au personnel de la Maison bien avant la mise en vigueur de la décision rapportée plus haut, conseilla à son collègue de faire mettre ce passage en italiques. « Je n’y avais pas songé, répondit ce dernier ; je ne savais pas d’ailleurs si c’était du latin ou de l’anglais. » — Tite-Live écrivant en anglais, la supposition est déjà plutôt anormale ; mais d’une phrase latine ne pouvoir distinguer un texte anglais est, pensons-nous, au-dessous des facultés d’un titulaire du certificat d’études primaires.

Ce fait divers est, à lui seul, une preuve évidente de l’erreur fâcheuse commise même par des Maisons réputées sérieuses, lorsqu’elles n’exigent pas pour le recrutement de leur personnel des garanties suffisantes au point de vue littéraire et technique.

Quelle appréciation un auteur méticuleux peut-il, dans ces conditions, porter sur la Maison à laquelle il a confié en partie le succès de son œuvre et la réputation de son nom ? Quelles craintes éprouvera-t-il de la possibilité pour cette Maison de mener à bonne fin le travail qu’il lui a remis ? Et comment se retiendra-t-il de manifester son inquiétude par des plaintes maintes fois trop justifiées ?

Quelle recommandation, alors, auprès d’un patron, et comment ne pas estimer qu’un tel correcteur, qualifié peut-être pour corriger des travaux administratifs et à peine pour être reviseur, ne saurait être à sa place dans une Maison de labeurs !

3° À cette situation dont ils ne peuvent nier les inconvénients, les partisans des correcteurs recrutés exclusivement dans l’imprimerie ont tenté d’apporter un remède : « On peut recommander au client de bien écrire les langues étrangères, lui dire que la Maison ne prend aucune responsabilité à cet égard… On peut encore recourir à une personne de la localité connaissant la langue… »

À moins d’avoir un faible pour la calligraphie, ou d’appartenir à une administration qui leur donne les loisirs d’envoyer des copies irréprochables, les auteurs écrivent plutôt avec nervosité. Une écriture hâtive, des mots inachevés, des lettres informes rendent leurs manus-