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comme c’est sur lui que tombe le reproche des fautes qui peuvent se glisser dans une édition, il faudrait qu’il connût autant qu’il est possible les termes usités et savoir à quelle science, à quel art, et à quelle matière ils appartiennent. Il y a de l’injustice à lui imputer les irrégularités, quelquefois même certaines fautes d’orthographe ; chaque auteur s’en faisant une à son goût, il est obligé d’exécuter ce qui lui est prescrit à cet égard. En un mot, on exige d’un prote qu’il joigne les connaissances d’un grammairien à l’intelligence nécessaire pour toutes les parties du manuel de son talent. »

Moins explicite peut-être, mais non moins affirmatif, Momoro estimait, lui aussi, que le correcteur doit être érudit et typographe : « Un correcteur ne doit s’occuper que de la lecture des épreuves, et si son temps le lui permet, il peut s’occuper dans l’imprimerie, s’il le veut, à composer, corriger, aider la conscience ; mais s’il le fait, il en est le maître, on ne peut l’y forcer, parce que le talent qu’il a de lire les épreuves est un talent si rare parmi les imprimeurs, qu’il mérite beaucoup d’égards, et qu’un correcteur n’est pas censé un ouvrier ; car on peut être bon correcteur, sans être seulement imprimeur, puisqu’il ne faut que posséder parfaitement sa langue latine et sa langue françoise, et avoir une notion suffisante de l’imprimerie pour pouvoir être correcteur. »

À la même époque, M. François-Ambroise Didot dit l’Aîné (1730-1804) donnait du « véritable imprimeur » — nous pourrions écrire du « véritable correcteur », tant la similitude d’idées est complète avec les lignes écrites par Brullé — la définition suivante : « Un bon imprimeur doit faire la nuance entre l’homme de lettres et l’artisan. Il n’est pas nécessaire qu’il soit homme de lettres, il s’occuperait trop exclusivement de quelques parties qui auraient plus d’attraits pour lui ou qu’il aurait plus étudiées : mais il faut qu’il ait sur presque toutes les sciences des notions générales, afin que les diverses matières contenues dans les ouvrages dont on lui confie l’exécution ne lui soient pas tout à fait étrangères. Il lui importe surtout d’être bon grammairien, et il serait à désirer qu’à la connaissance de la langue latine exigée par les règlements, il joignît celle du grec et de deux ou trois langues vivantes les plus répandues… Enfin il doit être exercé dans les fonctions manuelles des ouvriers afin de les diriger dans leurs travaux et de leur indiquer les méthodes les plus promptes et les plus sûres. »