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« Voilà une belle soirée, mistress Grey ! dit-il en entrant ; Agnès, je désire que vous veniez faire une promenade avec moi à… (Il nomma un certain point de la côte, une colline élevée, du sommet de laquelle on a une très-belle vue). La pluie a abattu la poussière et rafraîchi l’air, et la perspective sera magnifique. Voulez-vous venir ?

— Puis-je aller, maman ?

— Oui, certainement. »

J’allai m’apprêter, et fus revenue dans quelques minutes, quoique naturellement j’eusse mis plus de soin à ma toilette que je n’en mettais pour sortir seule. La pluie avait eu certainement un très-bon effet sur le temps, et la soirée était délicieuse. M. Weston m’offrit son bras ; il dit peu de chose pendant que nous traversâmes les rues encombrées de monde, mais il marchait très-vite et paraissait rêveur et distrait. Je m’en étonnais, et craignais qu’il n’eût quelque chose de désagréable à m’annoncer ; une vague conjecture de ce que ce pouvait être me troubla fort, et me rendit triste et silencieuse aussi. Mais ces fantaisies s’évanouirent lorsque nous atteignîmes les tranquilles limites de la ville : car aussitôt que nous aperçûmes la vieille et vénérable église, et la colline avec la mer bleue au delà, je retrouvai mon compagnon assez gai.

« Je crains que nous n’ayons marché trop vite pour vous, Agnès, dit-il ; dans mon impatience d’être hors de la ville, j’ai oublié de consulter votre convenance ; mais maintenant, nous marcherons aussi lentement que vous le voudrez. Je vois, par ces légers nuages à l’ouest, qu’il y aura un brillant coucher de soleil, et en marchant doucement nous arriverons à temps pour en voir l’effet sur la mer. »

Quand nous fûmes environ à moitié de la montée, nous retombâmes de nouveau dans le silence. Ce fut lui qui le rompit le premier.

« Ma maison est toujours solitaire, miss Grey, dit-il en souriant, et je connais maintenant toutes les ladies de ma paroisse, un grand nombre de celles de cette ville, et beaucoup d’autres que j’ai vues ou dont on m’a parlé ; mais aucune d’elles ne me convient pour ma compagne. Il y a une seule personne au monde qui puisse me convenir, et cette personne c’est vous. J’ai besoin de connaître votre décision.

— Parlez-vous sérieusement, monsieur Weston ?