nul besoin de mon assistance ; et, d’ailleurs, c’était votre visiteur et non le mien. »
Après cela, il vint souvent nous voir, plusieurs fois dans le cours d’une semaine. Généralement il conversait avec ma mère, et il n’y avait là rien d’étonnant, car elle savait soutenir une conversation. J’enviais presque la facilité et la force de sa parole, et le grand sens qu’elle montrait dans tout ce qu’elle disait ; mais, quoique je regrettasse quelquefois mon insuffisance sous ce rapport, j’éprouvais un grand plaisir à entendre les deux êtres que j’aimais et que j’honorais par-dessus tout le monde discourir si amicalement, si sagement et si bien. Je n’étais pas toujours silencieuse pourtant, ni tout à fait négligée. On faisait attention à moi, juste autant que je pouvais le désirer. Les mots tendres, les regards plus tendres encore, les délicates attentions que la parole ne peut rendre, mais qui m’allaient directement au cœur, m’étaient libéralement prodigués.
Toute cérémonie fut bientôt abandonnée entre nous. M. Weston arrivait comme un hôte attendu, toujours bienvenu, et ne dérangeant jamais l’économie de nos affaires de ménage. Il m’appelait toujours Agnès ; le nom avait d’abord été prononcé avec timidité ; mais trouvant qu’il n’offensait personne, il parut le préférer beaucoup à l’appellation de « miss Grey, » et moi aussi. Combien étaient tristes et sombres les jours où il ne venait pas ! Et pourtant je n’étais pas malheureuse, car je me souvenais de la dernière visite, et j’avais pour me consoler l’espoir de la prochaine. Mais quand je passais deux ou trois jours sans le voir, je me sentais certainement dans une grande anxiété : c’était absurde, déraisonnable, car naturellement il avait à vaquer à ses affaires et aux affaires de sa paroisse. Je redoutais aussi la fin des vacances, quand mon travail allait recommencer : quelquefois alors je ne pourrais le voir, et d’autres fois, lorsque ma mère serait occupée dans l’école, il me faudrait demeurer seule avec lui ; position que je ne désirais nullement dans la maison, quoique sa rencontre au dehors et les longues promenades avec lui ne m’eussent certes pas été désagréables.
Un soir, pendant la dernière semaine des vacances, il arriva sans être attendu ; car une averse violente et prolongée pendant l’après-midi avait presque détruit toutes mes espérances de le voir ce jour-là. Mais en ce moment l’orage était passé et le soleil brillait d’un pur éclat.