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Ce disant, elle s’en alla promptement faire sa toilette, me laissant seule retrouver mon chemin pour me rendre à mon petit salon, où, au temps voulu, l’on me servit le thé. Après que je l’eus pris, je restai à réfléchir sur la position passée et présente de lady Ashby, sur le peu que j’avais appris touchant M. Weston, et le peu de chance que j’avais de le revoir ou d’entendre parler de lui pendant ma vie calme et triste. À la fin, pourtant, ces pensées commencèrent à me fatiguer, et je désirai savoir où était la bibliothèque dont lady Ashby m’avait parlé. Je me demandai si je serais obligée de demeurer là à rien faire jusqu’à l’heure du coucher.

Comme je n’étais pas assez riche pour avoir une montre, je ne pouvais savoir le temps qui s’écoulait autrement qu’en observant les ombres qui s’étendaient lentement. Par ma fenêtre, je découvrais un coin du parc renfermant un bouquet d’arbres dont les hautes branches avaient été occupées par une innombrable compagnie de bruyants corbeaux, et un mur élevé avec une massive porte en bois, qui communiquait sans doute avec les écuries, car un large chemin s’étendait de cette porte vers le parc. L’ombre de ce mur prit bientôt possession de tout le sol aussi loin que je pouvais voir, forçant la lumière dorée du soleil à reculer pouce par pouce et à se réfugier enfin au sommet des arbres. Bientôt ces arbres même furent noyés dans l’ombre, l’ombre des montagnes éloignées ou de la terre elle-même ; et, par sympathie pour les actifs corbeaux, je regrettai de voir leur habitation, tout à l’heure dorée par les rayons du soleil, plongée comme le reste dans l’ombre. Pendant un moment, ceux de ces oiseaux qui volaient au-dessus des autres recevaient encore les rayons du soleil sur leurs ailes, ce qui donnait à leur noir plumage la couleur fauve et l’éclat de l’or. Enfin ces derniers rayons disparurent. Le crépuscule vint ; les corbeaux devinrent plus calmes ; je me sentis moins fatiguée, et désirai que mon départ pût avoir lieu le lendemain. À la fin il fit tout à fait nuit, et je pensais déjà à sonner pour avoir de la lumière, afin de me mettre au lit, lorsque lady Ashby parut, s’excusant fort de m’avoir abandonnée si longtemps, et en faisant retomber le blâme sur cette maussade vieille femme, ainsi qu’elle appelait sa belle-mère.

« Si je ne restais avec elle dans le salon pendant que sir Thomas prend son vin, dit-elle, elle ne me pardonnerait jamais ; et si je quitte la chambre à l’instant où il vient, comme je l’ai