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côté, et que le délicieux moment que nous venions de passer ensemble fût écoulé. Il n’avait pas soupiré un mot d’amour, ou laissé voir un indice de tendresse ou d’affection, et pourtant j’avais été suprêmement heureuse. Être près de lui, l’entendre parler comme il m’avait parlé, sentir qu’il me croyait digne de l’écouter et capable de comprendre et d’apprécier sa parole, c’était assez pour moi.

Oui, Édouard Weston, je pourrais vraiment être heureuse dans une maison remplie d’ennemis, si seulement j’avais un ami qui m’aimât profondément et fidèlement ; et, si cet ami était vous, fussions-nous bien loin l’un de l’autre, ne pussions-nous que rarement nous écrire, et plus rarement encore nous voir, le travail dût-il m’accabler, les tourments et les vexations m’environner, ce serait trop de bonheur pour moi ! « Et pourtant, qui peut dire, me répétais-je à moi-même en traversant le parc, qui peut dire ce que ce mois que j’ai encore à demeurer ici peut amener ? Pendant près de vingt-trois ans que j’ai vécu, j’ai beaucoup souffert et goûté peu de plaisir ; est-il probable que ma vie doive toujours rester aussi sombre ? N’est-il pas possible que le ciel entende mes prières, disperse ces nuages et m’accorde enfin quelques rayons de bonheur ? Me refusera-t-il ces félicités si libéralement accordées à d’autres qui ne les lui demandent point ni ne l’en remercient ? Ne puis-je encore espérer et avoir confiance ? » J’espérai et j’eus confiance quelque temps, mais, hélas ! hélas ! les jours s’écoulaient ; une semaine suivait l’autre, et, à l’exception d’une fois que je l’aperçus de loin, et de deux rencontres où il ne fut presque rien dit, pendant que je me promenais avec miss Mathilde, je ne le vis point, si ce n’est à l’église.

Le dernier dimanche était enfin arrivé, et le dernier service. Je fus sur le point de fondre en larmes durant le sermon, le dernier que j’allais entendre de lui ; le meilleur que j’entendrais jamais, assurément. La fin du service était venue, l’assistance se retirait, et il me fallait suivre. Je venais de le voir et d’entendre sa voix probablement pour la dernière fois. Dans le cimetière, Mathilde fut accostée par les deux miss Green. Elles avaient beaucoup de questions à lui adresser touchant sa sœur, et je ne sais quoi encore. J’aurais voulu qu’elles eussent fini, afin de nous en retourner vite à Horton-Lodge. Il me tardait de pouvoir me retirer dans ma chambre ou dans quelque coin du jardin pour m’abandonner à mes sentiments, pleurer