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Murray s’arrangeait de façon à me donner un emploi suffisant pour mes heures de loisir. Il y avait toujours quelque dessin à finir, quelque musique à copier, ou quelque travail à faire ; de sorte que je ne pouvais me permettre autre chose qu’une courte promenade dans le jardin, soit que miss Murray ou sa sœur fussent ou non occupées.

Un matin, ayant cherché et rencontré M. Weston, elles revinrent en grande liesse me faire le récit de leur entrevue. « Et il a encore demandé de vos nouvelles. » dit Mathilde, malgré la silencieuse et impérative intimation de sa sœur de retenir sa langue. Il s’est étonné que vous ne fussiez jamais avec nous, et a pensé que vous deviez avoir une santé délicate, pour sortir si rarement.

— Il n’a pas dit cela, Mathilde ; quelle absurdité dites-vous là ?

— Oh ! Rosalie, quel mensonge ! Il l’a dit, vous le savez bien. Allons, Rosalie ! Que le diable… je ne veux pas être pincée comme cela ! Et, miss Grey, Rosalie lui a dit que vous vous portiez très-bien, mais que vous étiez toujours si enterrée dans vos livres que vous n’aviez de plaisir à aucune autre chose.

— Quelle idée il doit avoir de moi ! pensai-je ; et je demandai si la vieille Nancy s’informait toujours de moi.

— Oui ; et nous lui disons que vous aimez tant la lecture et le dessin, que vous ne pouvez faire rien autre chose.

— Ce n’est pas tout à fait cela, pourtant ; si vous lui aviez dit que j’étais trop occupée pour aller la voir, vous auriez été plus près de la vérité.

— Je ne le pense pas, répliqua miss Murray, se fâchant tout à coup ; je suis sûre que vous avez du temps à vous maintenant : vous avez si peu de chose à enseigner ! »

Il était inutile d’entamer une dispute avec des créatures si peu raisonnables ; aussi je me tus. J’étais maintenant accoutumée à garder le silence quand des choses désagréables à mon oreille étaient prononcées ; j’avais coutume aussi de garder un air calme et souriant quand j’avais le cœur plein d’amertume. Ceux-là seulement, qui ont passé par la même épreuve peuvent se faire une idée de mes sentiments pendant que je paraissais écouter avec une indifférence souriante le récit qu’elles prenaient plaisir à me faire de ces rencontres et de ces entrevues avec M. Weston ; que je leur entendais dire de lui des choses que, d’après le caractère de l’homme, je savais être