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le jardin ? pourquoi va-t-elle dans les champs et dans les prairies ? Et comment se fait-il que M. Hatfield la rencontre si souvent ? Elle m’a dit la semaine dernière qu’il avait fait marcher son cheval à côté d’elle tout le long de Mos-Lane ; et maintenant je suis sûre que c’est lui que j’ai vu traversant si lestement les portes du parc et se dirigeant vers les champs où elle a coutume d’aller si fréquemment. Je voudrais que vous allassiez voir si elle est là, et lui rappeler avec douceur qu’il n’est pas convenable pour une jeune lady de son rang et de sa fortune de s’en aller seule de cette façon, exposée aux attentions du premier venu qui osera s’adresser à elle, comme une pauvre fille négligée qui n’a ni parc pour se promener, ni amis pour prendre soin d’elle ; dites-lui que son père serait extrêmement irrité s’il savait qu’elle traite M. Hatfield avec familiarité, comme je crains fort qu’elle ne le traite. Oh ! si vous saviez, si aucune gouvernante pouvait avoir la moitié de la vigilance, la moitié des soucis anxieux d’une mère, ce tourment m’aurait été épargné, et vous verriez la nécessité de tenir vos yeux sur elle et de lui rendre votre société agréable. Eh bien ! allez, allez donc ; il n’y a pas de temps à perdre, » s’écria-t-elle, voyant que j’avais mis de côté mes instruments de dessin et que j’attendais sur la porte la conclusion de son discours.

Suivant ses prévisions, je trouvais miss Murray dans son champ favori, en dehors du parc, et malheureusement elle n’était pas seule ; car M. Hatfield marchait lentement à côté d’elle.

Je me trouvais dans un assez grand embarras. Il était de mon devoir de faire cesser le tête-à-tête ; mais comment m’y prendre ? M. Hatfield ne pouvait être mis en fuite par une personne aussi insignifiante que moi ; et aller me placer de l’autre côté de miss Murray, la gratifier de ma présence malencontreuse sans avoir l’air de faire attention à son compagnon, était une grossièreté dont je ne pouvais me rendre coupable ; je n’avais pas non plus le courage de l’appeler de l’autre bout du champ en lui criant qu’on la demandait ailleurs. Je pris donc le parti intermédiaire de marcher lentement, mais fermement, vers eux, résolue, si ma présence ne mettait pas en fuite le damoiseau, de passer auprès d’eux et de dire à miss Murray que sa mère la demandait.

Elle était vraiment charmante, se promenant lentement sous les marronniers verdoyants qui étendaient leurs longs bras par--