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avoir ouvert son livre de prières et lu une partie du service pour les malades, il s’enfuyait avec précipitation, si toutefois il ne demeurait pas pour faire quelque dure réprimande à la pauvre femme, ou pour faire quelque observation stupide, pour ne pas dire cruelle, plutôt pour accroître que pour diminuer le tourment du pauvre couple souffrant.

« Au contraire, M. Weston prie avec moi d’une toute différente manière, et me parle avec la plus grande bonté ; et souvent aussi il me fait la lecture, et s’assied à côté de moi comme un frère.

— Tout cela est vrai ! s’écria la femme. Et il y a environ trois semaines, lorsqu’il vit le pauvre Jem trembler la fièvre et quel misérable feu nous avions, il me demanda si notre provision de charbon était bientôt épuisée. Je lui dis que oui, et que nous étions assez embarrassés pour en avoir d’autre : vous savez, je ne lui disais pas cela pour qu’il nous aidât ; cependant il nous envoya un sac de charbon le lendemain, et, depuis ce temps, nous avons toujours eu bon feu, ce qui est un grand bienfait par ce temps d’hiver. Mais c’est sa manière de faire, miss Grey : quand il va voir un malade chez de pauvres gens, il remarque ce dont ils ont besoin, et, s’il pense qu’ils ne peuvent se le procurer eux-mêmes, il ne dit rien, mais il l’achète pour eux. Et ce n’est pas le premier venu qui ferait cela, ayant aussi peu qu’il a : car vous savez, madame, il n’a pour vivre que ce que lui donne le recteur, et on dit que c’est assez peu de chose. »

Je me souvins alors, avec une espèce de triomphe, qu’il avait été qualifié de brute vulgaire par l’aimable miss Murray, parce qu’il avait une montre d’argent et portait des habits moins élégants et moins neufs que ceux de M. Hatfield.

En retournant à la maison, je me sentis très-heureuse et remerciai Dieu de ce que j’avais maintenant quelque chose pour occuper ma pensée, quelque chose pour rompre la triste monotonie, la pénible solitude de ma vie : car j’étais seule. Jamais, excepté de loin en loin, et durant mes courts instants de repos chez mes parents, je n’avais rencontré personne à qui je pusse ouvrir mon cœur, ou dire librement mes pensées avec l’espoir d’éveiller quelque sympathie ou même d’être comprise ; personne, excepté la pauvre Nancy Brown, avec qui je pusse avoir un moment de véritable commerce social ou dont la conversation pût me rendre meilleure, plus sage ou plus heureuse.