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tits exercices d’arithmétique, les lui corriger, au lieu de le laisser exercer ses facultés en cherchant à les rectifier lui-même : de sorte qu’il ne prenait aucune peine pour éviter les erreurs, et souvent posait ses chiffres au hasard et sans aucun calcul.

Je ne me renfermai pas pourtant invariablement dans ces règles : c’était contraire à ma conscience ; mais rarement j’en pus dévier sans exciter la colère de mon petit élève, et par suite celle de sa mère, à qui il racontait mes transgressions, malicieusement exagérées et embellies par lui. Plus d’une fois je fus sur le point de perdre ou de résigner ma place. Mais pour l’amour de ceux que j’avais laissés à la maison, j’étouffai mon orgueil, je réprimai mon indignation, et résolus de lutter jusqu’à ce que mon petit bourreau fût envoyé au collège, son père déclarant qu’il était clair que l’éducation de famille n’était pas ce qu’il lui fallait, que sa mère le gâtait scandaleusement, et que ses gouvernantes n’en pouvaient rien faire.

Encore quelques mots sur Horton-Lodge et ses hôtes, et j’en aurai fini pour le moment avec cette aride description. La maison était fort respectable, supérieure à celle de M. Bloomfield par l’ancienneté, les dimensions et la magnificence. Le jardin n’était pas tracé avec autant de goût ; mais au lieu des pelouses unies, des jeunes arbres protégés par des tuteurs, des peupliers et des plantations de sapins, il y avait un vaste parc, peuplé de daims et formé de beaux gros arbres. Les environs étaient aussi agréables que peuvent l’être des champs fertiles, de beaux arbres, des pelouses vertes, des haies le long desquelles s’épanouissent les fleurs sauvages ; mais ce pays était affreusement plat pour moi, nourrie et élevée dans les montagnes de…

Horton-Lodge était situé à près de deux milles de l’église du village, et, en conséquence, la voiture de la famille était mise en réquisition tous les dimanches, et quelquefois plus souvent. M. et mistress Murray pensaient généralement qu’il était suffisant pour eux de se montrer une fois à l’église ; mais les enfants aimaient souvent mieux y retourner une seconde fois que d’errer dans le parc ou le jardin tout le reste du jour, sans but et sans occupation. J’étais fort heureuse lorsque quelques-uns de mes élèves préféraient aller à pied et me prenaient avec eux : car ma position dans la voiture, placée dans le coin le plus éloigné de la fenêtre et le dos tourné aux chevaux, ne manquait jamais de me rendre malade ; et, si je n’étais pas obligée de quitter l’église au milieu du service, mes dévotions étaient