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c’était avec une certaine insolence de ton et de manières qui me prouvaient qu’il n’était point un gentleman, quoiqu’il visât à produire l’effet contraire. Mais ce n’était point tant pour cela que je haïssais ses visites, que pour le mal qu’il faisait aux enfants, encourageant toutes leurs mauvaises inclinations, et détruisant en quelques minutes le peu de bien qui m’avait coûté des mois de labeur à accomplir.

Il ne condescendait guère à s’occuper de Fanny et de la petite Henriette ; mais Mary-Anne était en quelque sorte sa favorite. Il ne cessait d’encourager ses tendances à l’affectation, que j’avais mis tous mes efforts à réprimer, parlant de sa jolie figure, et lui remplissant la tête de toutes sortes d’idées vaniteuses sur sa beauté, que je l’avais instruite à regarder comme poussière en comparaison de la culture de l’esprit ; et jamais je ne vis enfant plus sensible qu’elle à la flatterie. Tout ce qu’il y avait de mauvais chez elle et chez son frère, il l’encourageait en riant, sinon par ses louanges directes. On ne sait pas le mal que l’on fait aux enfants en riant de leurs défauts, et en trouvant matière à plaisanterie dans ce que de vrais amis se sont efforcés de leur apprendre à tenir en grande horreur.

Quoiqu’il ne fût point positivement un ivrogne, M. Robson ingurgitait habituellement de grandes quantités de vin, et prenait de temps en temps avec plaisir un verre d’eau mêlée d’eau-de-vie. Il apprenait à son neveu à l’imiter du mieux qu’il pouvait, et à croire que, plus il pourrait prendre de vin et de spiritueux, plus il manifesterait son fier et mâle caractère et s’élèverait au-dessus de ses sœurs. M. Bloomfield n’avait pas grand’chose à dire là contre : car son breuvage favori était le gin et l’eau, dont il absorbait chaque jour une quantité considérable, et c’est à quoi j’attribuais son teint pâle et son caractère irascible.

M. Robson encourageait également Tom à persécuter les animaux, à la fois par le précepte et par l’exemple. Comme il venait souvent dans le but de chasser sur le domaine de son beau-frère, il avait coutume d’amener avec lui ses chiens favoris ; et il les traitait si brutalement que, toute pauvre que je fusse, j’aurais volontiers donné une guinée pour voir un de ces animaux le mordre, pourvu toutefois que ce fût avec impunité. Quelquefois, lorsqu’il était fort bien disposé, il allait chercher des nids avec les enfants, chose qui m’irritait et me contrariait considérablement : car je me flattais, par mes efforts répétés,