Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous allez gagner de l’argent.

— Bien plus probablement en perdre. »

Comme il finissait de tailler les plumes, un cheval sellé et bridé fut amené à la porte du jardin.

« Voilà Fred qui est prêt ; il faut partir. Auparavant, je veux voir l’effet du printemps dans la plate-bande du sud. »

Il quitta la chambre et se dirigea dans le jardin derrière la fabrique. Une charmante frange de jeune verdure et de fleurs commençait à s’épanouir ; des voiliers d’hiver, des crocus et des primevères brillaient au soleil, à l’abri du mur de la fabrique. Moore cueillit çà et là une fleur et une feuille, jusqu’à ce qu’il eût rassemblé un petit bouquet ; il retourna au parloir, prit une aiguillée de soie dans la corbeille à ouvrage de sa sœur, lia les fleurs et les déposa sur le pupitre de Caroline.

« Maintenant, au revoir.

— Merci, Robert ; il est très-joli ; on dirait des rayons du soleil dans un ciel d’azur. Au revoir. »

Robert se dirigea vers la porte, s’arrêta, ouvrit les lèvres comme pour parler, resta muet et s’éloigna. Il traversa le guichet et monta à cheval : une seconde après, il avait remis pied à terre, transféré les rênes à Murgatroyd, et était rentré dans le cottage.

« J’avais oublié mes gants, » dit-il en paraissant prendre quelque chose sur la console. Puis, comme obéissant à une pensée soudaine : « Vous n’avez pas d’engagement pour aujourd’hui chez votre oncle, Caroline ?

— Je n’en ai jamais : quelques chaussons d’enfants, que mistress Ramsden m’a commandés, à tricoter pour la Corbeille des Juifs, mais ils attendront.

— Que la Corbeille des Juifs soit… vendue ! jamais ustensile ne fût mieux nommé. On ne peut rien concevoir de plus juif que ce meuble, les objets qu’il renferme, et leur prix. Mais je vois là, dans le coin de votre lèvre, une petite moue qui me dit que vous connaissez le mérite de la Corbeille des Juifs aussi bien que moi. Oubliez la Corbeille des Juifs, alors, et passez la journée ici. Votre oncle ne mourra pas de votre absence.

— Oh ! non, dit-elle en souriant.

— Le vieux cosaque ! oh ! je crois que non ! murmura Moore. Alors restez à dîner avec Hortense ; elle sera enchantée de votre compagnie. Je serai de retour de bonne heure. Nous lirons un peu ce soir : la lune se lève à huit heures et demie, et à neuf