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à ce qu’ils soient plus décents dans leur mise et dans leurs habitudes. »

La mère de M. Bloomfield était alors dans la maison ; en montant l’escalier et en passant devant la porte du salon, j’eus la satisfaction d’entendre la vieille dame déclamer contre moi auprès de sa bru :

« Juste ciel ! s’écriait-elle, jamais de ma vie… ! elle causera leur mort aussi sûr que… ! Croyez-vous, ma chère, qu’elle soit la personne qu’il faut pour… ? Croyez-moi… »

Je n’en entendis pas davantage ; mais cela suffisait.

La vieille mistress Bloomfield avait été pleine d’attention et très-polie pour moi ; et jusqu’alors je l’avais tenue pour une très-bonne personne, aimant à causer. Elle venait souvent à moi et me parlait en confidence, agitant sa tête et gesticulant des mains et des yeux comme une certaine classe de vieilles ladies ont coutume de faire, quoique je n’en aie jamais vu pousser cette particularité aussi loin. Il lui arrivait même de me témoigner sa sympathie pour la peine que me donnaient les enfants, et d’exprimer parfois, par quelques mots émaillés de signes de tête et de clignements d’yeux, un blâme sur la conduite peu judicieuse de leur mère, restreignant ainsi mon pouvoir et négligeant de me prêter l’appui de son autorité. Une telle façon de faire voir sa désapprobation n’était pas trop de mon goût, et généralement je refusais de comprendre autre chose que ce qui m’était exprimé clairement ; du moins, je me bornais toujours à lui donner à entendre que, si les choses étaient autrement ordonnées, ma tâche serait moins difficile, et que je serais mieux à même de guider et d’instruire mes jeunes élèves. Mais, cette fois, il me fallait être doublement prudente. Auparavant, quoique je visse que la vieille lady avait des défauts (dont le principal était son penchant à se proclamer parfaite), j’avais toujours cherché à les excuser, à la gratifier des vertus dont elle se parait, et même à lui en imaginer dont elle ne parlait pas. La bienveillance à laquelle j’avais été accoutumée depuis tant d’années m’avait été si entièrement refusée depuis ma sortie de la maison paternelle, que j’en saluais avec la joie la plus reconnaissante le moindre semblant. Il n’est donc pas étonnant que mon cœur affectionnât la vieille lady, qu’il se réjouît à son approche et regrettât son départ.

Mais maintenant, les quelques mots que j’avais heureusement ou malheureusement entendus en passant avaient com-