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CHAPITRE III.

Quelques leçons de plus.


Je me levai le lendemain avec un vif sentiment d’espoir, malgré les désappointements que j’avais déjà éprouvés ; mais je trouvai que ce n’était pas besogne légère que de faire la toilette de Mary-Anne : car son abondante chevelure était graissée de pommade, tressée en trois longues nattes et attachée avec des nœuds de ruban. Elle me dit que sa nourrice l’habillait en moitié moins de temps, et son impatience me rendit encore la tâche plus longue. Lorsque tout fut fini, nous entrâmes dans la salle d’étude, où je trouvai mon autre élève, et je causai avec eux deux jusqu’au moment du déjeuner. Ce repas terminé, et après avoir échangé quelques mots de politesse avec mistress Bloomfield, nous retournâmes de nouveau à la salle d’étude et commençâmes les exercices de la journée. Je trouvai mes élèves fort peu avancés, il est vrai ; mais Tom, quoique ennemi de toute espèce d’effort mental, n’était pas sans aptitude. Mary-Anne pouvait à peine lire un mot, et était si insouciante et si inattentive, que je perdais à peu près ma peine avec elle. Pourtant, à force de travail et de patience, je parvins à leur faire faire quelque chose dans le cours de la matinée, puis je les conduisis dans le jardin prendre une petite récréation avant le dîner. Tout se passa assez bien, excepté que je m’aperçus qu’ils n’avaient point du tout l’idée que je les conduisais, mais que c’était moi au contraire qui étais obligée de les accompagner partout où il leur plaisait de me mener. Il me fallait courir, marcher, m’arrêter, absolument selon leur caprice. Cela renversait l’ordre des choses, et je le trouvais d’autant plus désagréable qu’ils semblaient affectionner les endroits les plus sales et les occupations les plus grossières. Mais il n’y avait pas de remède ; il me fallait les suivre ou me séparer tout à fait d’eux et paraître ainsi les négliger. Ce jour-là, ils manifestèrent un attachement tout particulier pour une espèce de mare située au fond d’une pelouse, dans laquelle ils persistèrent à barbotter avec des bâtons et des pierres pendant plus d’une