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« Des piéges pour les oiseaux.

— Pourquoi les attrapez-vous ?

— Papa dit qu’ils font du mal.

— Et qu’en faites-vous quand vous les avez pris ?

— Différentes choses. Quelquefois je les donne au chat ; quelquefois je les coupe en morceaux avec mon canif. Mais le prochain, j’ai l’intention de le rôtir vivant.

— Et pourquoi pensez-vous à faire une aussi horrible chose ?

— Pour deux raisons : d’abord pour voir combien de temps il vivra ; ensuite pour voir quel goût il aura.

— Mais vous ne savez donc pas que c’est très-mal de faire de telles choses ? Souvenez-vous donc que les oiseaux sentent aussi bien que vous ; et pensez si vous aimeriez qu’on vous fît la même chose à vous !

— Oh ! je ne suis pas un oiseau, et je ne puis sentir ce que je leur fais souffrir.

— Mais vous aurez à le sentir un jour, Tom. Vous savez où vont les méchants lorsqu’ils meurent ; et, si vous ne renoncez pas à torturer d’innocents oiseaux, souvenez-vous que vous irez là aussi, et que vous souffrirez ce que vous leur aurez fait souffrir.

— Oh ! peuh ! je ne cesserai pas. Papa sait comment je les traite, et il ne m’a jamais blâmé pour cela : il dit que c’est justement ce qu’il faisait lorsqu’il était petit garçon. L’été dernier il me donna une nichée de jeunes moineaux, et il me vit leur arracher les pattes, les ailes et la tête, et il ne me dit rien ; excepté que ce sont des choses malpropres, et que je ne dois pas leur laisser souiller mes pantalons. Et l’oncle Robson était là aussi, et il riait, disant que j’étais un beau garçon.

— Mais votre maman, que dit-elle ?

— Oh ! elle ne s’occupe guère de cela ! Elle dit que c’est dommage de tuer de jolis oiseaux qui chantent, mais que les malfaisants moineaux, ainsi que les souris et les rats, je peux en faire ce que je veux. Ainsi, maintenant, miss Grey, vous voyez que ce n’est pas une méchante action.

— Je crois toujours que c’en est une, Tom ; et peut-être votre papa et votre maman penseraient-ils comme moi, s’ils voulaient bien y réfléchir. Cependant, ajoutai-je intérieurement, ils peuvent dire ce qui leur plaira, je suis déterminée à ne vous laisser faire rien de pareil, aussi longtemps que je pourrai l’empêcher. »