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matrone, quand mon favori petit minet serait devenu un fort et gros chat. Dans de telles circonstances, quoique je ne fusse guère plus utile que le petit chat, mon désœuvrement n’était pas tout à fait sans excuse.

Au milieu de tous nos embarras, je n’entendis qu’une seule fois ma mère se plaindre du manque d’argent. Comme l’été approchait, elle nous dit à Mary et à moi : « Combien il serait à désirer que votre papa pût passer quelques semaines aux bains de mer ! Je suis convaincue que l’air de la mer et le changement de scène lui feraient beaucoup de bien. Mais vous savez que nous n’avons pas d’argent, » ajouta-t-elle avec un soupir. Nous eussions fort désiré toutes deux que la chose pût se faire, et nous nous lamentions grandement qu’elle fût impossible. « Les plaintes ne sont bonnes à rien, nous dit ma mère ; peut-être, après tout, ce projet peut-il être exécuté. Mary, vous dessinez fort bien ; pourquoi ne feriez-vous pas quelques nouveaux dessins qui, encadrés avec les aquarelles que vous avez déjà, pourraient être vendus à quelque libéral marchand de tableaux qui saurait discerner leur mérite ?

— Maman, je serais fort heureuse de penser qu’ils puissent être vendus n’importe à quel prix.

— Cela vaut la peine d’essayer, au moins. Fournissez les dessins, et j’essayerai de trouver l’acheteur.

— Je voudrais bien pouvoir aussi faire quelque chose, dis-je.

— Vous, Agnès ! Eh bien, vous dessinez assez bien aussi. En choisissant un sujet simple, j’ose dire que vous êtes capable de produire une œuvre que nous serions tous fiers de montrer.

— Mais j’ai un autre projet dans la tête, maman, et je l’ai depuis longtemps ; seulement, je n’ai jamais osé vous en parler.

— Vraiment ! dites-nous ce que c’est.

— J’aimerais à être gouvernante. »

Ma mère poussa une exclamation de surprise et se mit à rire. Ma sœur laissa tomber son ouvrage dans son étonnement, et s’écria :

« Vous une gouvernante, Agnès ! Pouvez-vous bien rêver à cela ?

— Eh bien, je ne vois là rien de si extraordinaire. Je ne prétends pas être capable de donner de l’instruction à de grandes filles ; mais assurément je peux en instruire de petites. J’aime-