Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/610

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lait la plus stricte décence. Notre nourriture, déjà simple, fut encore simplifiée (à l’exception des plats favoris de mon père) ; le charbon et la chandelle furent économisés ; la paire de chandeliers réduite à un seul, employé dans la plus absolue nécessité ; le charbon soigneusement arrangé dans la grille à moitié vide, surtout lorsque mon père était dehors pour le service de la paroisse, ou retenu dans son lit par la maladie. Quant aux tapis, ils furent soumis aux mêmes reprises et raccommodages que nos habits. Pour supprimer la dépense d’un jardinier, Mary et moi entreprîmes de tenir en ordre le jardin ; et tout le travail de cuisine et de ménage, qui ne pouvait être aisément fait par une seule servante, fut accompli par ma mère et ma sœur, aidées un peu par moi à l’occasion ; je dis un peu, parce que, quoique je fusse une femme à mon avis, je n’étais encore pour elles qu’une enfant. D’ailleurs ma mère, comme toutes les femmes actives et bonnes ménagères, aimait à faire par elle-même ; et, quel que fût le travail qu’elle eût à faire, elle pensait que personne n’était plus apte à le faire qu’elle. Aussi, toutes les fois que j’offrais de l’aider, je recevais cette réponse : « Non, mon amour, vous ne pouvez ; il n’y a rien ici que vous puissiez faire. Allez aider votre sœur, ou faites-lui faire une petite promenade avec vous ; dites-lui qu’elle ne doit pas rester assise si longtemps, qu’elle ne doit pas rester à la maison aussi constamment qu’elle le fait, que sa santé en souffre. »

« Mary, maman dit que je dois vous aider, ou vous faire faire une petite promenade avec moi ; que votre santé s’altérera si vous demeurez aussi longtemps sans sortir.

— M’aider, vous ne le pouvez, Agnès ; et je ne puis sortir avec vous, j’ai beaucoup trop à faire.

— En ce cas, laissez-moi vous aider.

— Vous ne pouvez vraiment, chère enfant. Allez travailler votre musique ou jouer avec le chat. »

Il y avait toujours beaucoup d’ouvrage de couture à faire ; mais on ne m’avait pas appris à couper un seul vêtement, et, à l’exception des grosses coutures et de l’ourlet, il y avait peu de chose que je pusse faire : car ma mère et ma sœur affirmaient toutes deux qu’il leur était plus facile de faire le travail elles-mêmes que de me le préparer. D’ailleurs, elles aimaient mieux me voir poursuivre mes études ou m’amuser ; il serait toujours assez tôt de me courber sur mon ouvrage, comme une grave