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Caroline fit un petit signe de tête espiègle. Moore sourit.

« Louis et moi ne sommes pas de cette espèce d’hommes qui craignent leurs belles-mères, Cary ; nos ennemis n’ont jamais été, ne seront jamais les membres de notre propre famille. Je ne doute pas que ma belle-mère ne fasse beaucoup de cas de moi.

— Assurément, à sa façon calme, vous savez. Elle n’est pas démonstrative, et, lorsque vous la voyez silencieuse, ou même froide, il ne vous faut pas croire qu’elle soit contrariée : c’est seulement sa manière d’être. Laissez-moi me faire son interprète toutes les fois que son caractère vous embarrassera ; croyez toujours ce que je vous dirai d’elle, Robert.

— Oh ! entièrement. Plaisanterie à part, je crois que nous nous conviendrons on ne peut mieux. Hortense, vous savez, est excessivement susceptible, et peut-être pas toujours raisonnable dans ses exigences ; cependant, la chère et honnête fille, je ne l’ai jamais affligée, je n’ai jamais de ma vie eu une sérieuse querelle avec elle.

— Non, vous êtes généreusement, tendrement indulgent pour elle, et vous serez de même pour maman. Vous êtes un gentleman des pieds à la tête, Robert, et nulle part aussi parfait que dans votre intérieur.

— Voilà un éloge que j’aime, il m’est très-doux. Je suis aise que ma Caroline m’envisage sous cet aspect.

— Maman pense de vous absolument comme moi.

— Pas tout à fait, j’espère ?

— Elle ne pense pas à vous épouser : ne soyez pas vain ; mais elle me dit l’autre jour : « Ma chérie, M. Moore a d’agréables manières ; c’est un des rares gentlemen que j’aie vus unir la politesse à un air de sincérité. »

— Maman est un peu misanthrope, n’est-ce pas ? Elle n’a pas la meilleure opinion du sexe le plus fort ?

— Elle s’abstient de juger les hommes en général ; mais elle a ses exceptions qu’elle admire : Louis et M. Hall, et depuis longtemps vous-même. Elle ne vous aimait pas autrefois. Je savais cela parce qu’elle ne parlait jamais de vous. Mais Robert…

— Eh bien, quoi maintenant ? quelle est cette nouvelle pensée ?

— Vous n’avez pas encore vu mon oncle ?

— Je l’ai vu ; maman l’a appelé dans sa chambre ; il a con-