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reçoit toutes les friandises, l’honnête et légitime petit enfant toutes les bourrades. Ainsi va le monde, Pierre ; et, comme vous êtes le marmot légitime, rude, crasseux et méchant, vous devez vous tenir à l’écart.

Faites place à M. Sweeting.

Le voici qui s’avance avec sa femme au bras ; la plus splendide et la plus pesante femme du Yorkshire : mistress Sweeting, ci-devant miss Dora Sikes. Ils furent mariés sous les plus heureux auspices, M. Sweeting venant d’être promu à une paroisse d’un revenu confortable, et M. Sikes se trouvant en position de donner à Dora une belle dot. Ils vécurent ensemble de longues et heureuses années, chéris de leurs paroissiens, et au milieu d’un nombreux cercle d’amis.

Eh ! voilà qui est, je pense, assez joliment tourné.

Avancez, monsieur Donne !

Ce gentleman tourna admirablement : beaucoup mieux que vous ou moi n’eussions pu l’espérer, lecteur. Lui aussi se maria avec une petite femme pleine de sens, et de manières douces et élégantes. Ce fut lui qui fit son choix ; il devint un modèle de caractère domestique et un prêtre de paroisse véritablement actif (il refusa consciencieusement jusqu’à sa mort d’agir en qualité de pasteur). Il brunissait l’intérieur de la coupe et du plateau avec la meilleure poudre à polir ; il surveillait les ornements du temple et de l’autel avec le zèle d’un tapissier, le soin d’un ébéniste ; sa petite école, sa petite église, son petit presbytère, lui durent leur érection, et ils lui faisaient honneur : chacun, était un modèle en son genre. Si l’uniformité et le goût en architecture eussent été la même chose que la consistance et le zèle en religion, quel berger d’un troupeau chrétien aurait fait M. Donne ! Il y avait un art dans lequel personne ne surpassait M. Donne : l’art de solliciter. Par ses propres efforts, il obtint de l’argent pour toutes ses constructions. En cette matière, il avait une puissance d’imagination, une activité d’action, tout à fait uniques. Il sollicitait du riche et du pauvre, du paysan sans souliers et du duc couronné. Il envoyait des lettres partout, à la vieille reine Charlotte, aux princesses ses filles, à ses fils les ducs royaux, au prince Castelreagh, à chaque membre du ministère alors en fonctions ; et ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il tirait quelque chose de chacun de ces personnages. Il obtint cinq livres sterling de l’avare vieille lady la reine Charlotte, et deux guinées de son fils aîné, le royal dis-