impressions sur elle sont dures, peu charitables peut être. Je crois, par exemple, qu’elle est incapable d’amour…
— Shirley incapable d’amour !
— Qu’elle ne se mariera jamais : je me la figure jalouse de compromettre sa fierté, de quitter son pouvoir, de partager sa fortune.
— Shirley a blessé votre amour-propre.
— Elle l’a blessé, quoique je n’eusse aucune émotion de tendresse, aucune étincelle de passion pour elle.
— Alors, Robert, c’était très-mal à vous de chercher à l’épouser.
— Et très-vil, mon petit pasteur, ma petite prêtresse. Je n’ai jamais dans ma vie désiré embrasser miss Keeldar ; quoiqu’elle ait de belles lèvres, écarlates et rouges comme des cerises mûres : ou si je l’ai désiré, c’était le seul désir des yeux.
— Je doute que vous disiez vrai : les raisins… ou les cerises, sont aigres s’ils sont placés trop haut.
— Elle a une jolie figure, de beaux cheveux : je reconnais tous ces charmes, mais ils ne me touchent pas, ou ils me touchent seulement d’une façon qu’elle dédaignerait. Je crois que si j’ai été véritablement tenté, c’est par la seule dorure de l’amorce. Caroline, quel noble personnage que votre Robert, grand, bon, désintéressé, et si pur !
— Mais non parfait ; il a une fois commis une sottise, mais n’en parlons plus.
— Et n’y pensons plus, Cary ! Est-ce que nous ne le méprisons pas dans notre cœur tendre, mais juste, compatissant, mais droit ?
— Jamais ! Nous rappelant que nous serons jugés comme nous aurons jugé les autres, nous n’aurons pas de mépris, seulement de l’affection.
— Ce qui ne suffira pas, je vous avertis de cela. Autre chose que l’affection, quelque chose de plus fort, de plus doux, de plus chaud, vous sera demandé un jour : le pourrez-vous donner ? »
Caroline était émue, fort émue.
« Calmez-vous, Lina, dit doucement Moore. Je n’ai aucune intention, parce que je n’ai aucun droit, de troubler votre esprit maintenant ni de quelque temps encore. N’ayez donc pas l’air de vouloir me quitter : nous ne ferons plus de ces allusions qui