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— Peut-elle aimer ? dites-moi cela.

— Que pensez-vous ?

— Elle n’a aimé aucun de ceux qui l’ont aimée encore.

— Qui sont ceux qui l’ont aimée ? »

Moore cita une liste de gentlemen, finissant par sir Philippe Nunnely.

« Elle n’a aimé aucun de ceux-là.

— Cependant quelques-uns étaient dignes de l’amour d’une femme ?

— De certaines femmes, mais non de Shirley.

— Est-elle meilleure que celles de son sexe ?

— Elle est particulière, et plus dangereuse à prendre pour femme témérairement.

— Je m’imagine cela.

— Elle parla de vous…

— Oh ! vraiment ! Je croyais que vous aviez nié cela ?

— Elle n’en parla pas de la façon que vous vous imaginez ; mais je lui demandai et je lui fis dire ce qu’elle pensait de vous, ou plutôt ce qu’elle éprouvait pour vous. J’avais besoin de le savoir. J’avais longtemps désiré le savoir.

— Et moi aussi ; mais j’écoute : elle me méprise, sans doute.

— Elle a presque de vous l’idée la plus haute qu’une femme puisse avoir d’un homme. Vous savez qu’elle est éloquente : il me semble encore entendre le langage bouillant avec lequel elle exprimait son opinion.

— Mais quels sont ses sentiments ?

— Jusqu’à ce que vous l’eussiez offensée (elle m’a dit que vous l’aviez offensée, sans me dire comment) elle avait pour vous les sentiments d’une sœur pour un frère qu’elle aime et dont elle est fière.

— Je ne l’offenserai plus, Cary, car l’offense a rebondi sur moi de façon à me faire chanceler longtemps ; mais cette comparaison de frère et de sœur est un non-sens : elle est trop riche et trop fière pour avoir envers moi des sentiments fraternels.

— Vous ne la connaissez pas, Robert ; et même je pense maintenant (j’avais d’autres idées autrefois) que vous ne pouvez la connaître : vous et elle n’êtes pas organisés pour vous comprendre entièrement l’un l’autre.

— C’est possible. Je l’estime ; je l’admire ; et cependant mes