elle doit être la mère la plus dénaturée qui soit au monde, de laisser froidement sortir sa fille par un temps pareil. La mienne était dans une telle rage parce que je voulais aller à l’église, qu’elle eût été capable de me jeter le balai de la cuisine après les talons.
— Maman était fort en peine et ne voulait pas me laisser sortir ; mais je crains de m’être montrée obstinée. Je voulais sortir.
— Pour me voir ?
— Précisément : je ne pensais à rien autre chose. Je craignais beaucoup que la neige ne vous empêchât de venir. Vous ne sauriez croire combien j’ai eu de plaisir à vous voir à l’église.
— Je suis venu pour remplir mes devoirs, et donner à la paroisse un bon exemple. Ainsi, vous avez été obstinée, dites-vous ? J’aurais aimé à vous voir dans ce moment-là. Si vous m’apparteniez, je vous disciplinerais bien. Laissez-moi prendre le parapluie.
— Je ne puis rester plus de deux minutes : notre dîner va être prêt.
— Et le nôtre aussi ; et nous avons toujours un dîner chaud le dimanche. Aujourd’hui une oie rôtie avec un pâté aux pommes et un pouding au riz. Je m’arrange toujours de façon à connaître la carte : j’aime beaucoup ces choses ; eh bien ! j’en ferai le sacrifice, si vous le voulez.
— Nous avons un dîner froid ; mon oncle ne permet le jour du sabbat aucune cuisine qui ne soit absolument indispensable. Mais il faut que je m’en retourne : la maison serait en révolution, si je ne paraissais pas.
— Il en sera de même à Briarmains, bien sûr ! il me semble entendre mon père envoyer le contre-maître et cinq des teinturiers pour chercher, dans six directions différentes, le corps de son enfant prodigue dans la neige, et ma mère se repentir de ses nombreux torts envers moi, maintenant qu’elle me croit perdu.
— Martin, comment se trouve M. Moore ?
— Voilà pourquoi vous êtes venue, juste pour me dire ce mot.
— Allons, dites-moi vite…
— Que le diable l’étrangle ! Il n’est pas plus mal ; mais aussi malmené que de coutume, tenu en cage, et dans le plus com-