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si le pas de sa mère, qui se faisait entendre dans la galerie, et un sentiment de timidité, la noble et naturelle impulsion de son jeune cœur, ne l’eussent retenu en arrière, il eût réclamé sa récompense, il eût dit : « Maintenant, miss Caroline, pour, tout cela, donnez-moi un baiser. » Mais avant que les paroles fussent tombées de ses lèvres, elle était sur la route, plutôt effleurant que traversant la neige.

« Elle est ma débitrice, et je serai payé, » dit-il.

Il se flattait que c’était l’occasion, non l’audace, qui lui avait manqué. Il se jugeait mal, et s’estimait un peu moins qu’il ne valait.




CHAPITRE IX.

Cas de persécution domestique. — Remarquable exemple de pieuse persévérance dans l’accomplissement de devoirs religieux.


Martin avait bu à la coupe de l’excitation, y voulait tremper ses lèvres une seconde fois ; ayant senti la dignité du pouvoir, il lui répugnait de le quitter. Miss Helstone, cette fille qu’il avait toujours appelée laide, et dont le visage était maintenant perpétuellement devant ses yeux, le jour et la nuit, dans l’obscurité et à la clarté du soleil, s’était trouvée une fois dans sa sphère ; la pensée que cette visite ne se renouvellerait plus l’agitait.

Quoiqu’il ne fût qu’un écolier, ce n’était point un écolier ordinaire : il était destiné à devenir un original. Quelques années plus tard, il prit grand’peine à se parer et à se polir sur le patron du reste du monde, mais il n’y réussit jamais ; une empreinte unique le marqua toujours. Le voilà assis à son pupitre dans l’école de grammaire, cherchant dans son esprit le moyen d’ajouter un second chapitre à son roman commencé : il ne savait pas encore combien de vies de roman commencées sont condamnées à ne pas aller plus loin que le premier, ou au plus le second chapitre. Il passa son demi-congé du samedi dans le bois, en compagnie de son livre de légendes féeriques, et de cet autre livre non écrit de son imagination.

Martin avait une irréligieuse répugnance à voir arriver le di-