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CHAPITRE V.

Rushedge, un confessionnal.


Chacun disait qu’il était grand temps pour M. Moore de revenir : tout Briarfield s’étonnait de son absence, et Whinbury et Nunnely apportaient chacun sa contribution séparée d’étonnement.

Savait-on pourquoi il demeurait si longtemps absent ? Oui, on le savait vingt fois pour une ; il y avait du moins quarante raisons plausibles données pour expliquer cette inexplicable circonstance. Ce n’étaient point les affaires qui le retenaient : il avait terminé depuis longtemps celle pour laquelle il était parti ; il n’avait pas tardé à découvrir et à atteindre ses quatre chefs d’émeute ; il avait assisté à leur jugement et entendu leur sentence, et les avait vu embarquer pour la transportation.

Cela était connu à Briarfield, les journaux en avaient parlé. Le Stilbro’ Courier avait donné tous les détails avec amplifications. Nul n’avait applaudi à sa persévérance et salué son succès, quoique les propriétaires de fabriques en fussent contents, espérant que les terreurs de la loi paralyseraient à l’avenir les progrès sinistres de la désaffection. La désaffection cependant grondait toujours ; elle prononçait de sinistres serments, et portait d’étranges toasts, arrosés avec la bière frelatée et le gin des cabarets.

Le bruit courut que Moore n’osait pas revenir dans le Yorkshire ; qu’il craignait pour sa vie, qu’il savait menacée.

« Je lui ferai savoir cela, dit M. Yorke, lorsque son contre-maître rapporta ce bruit, et, si cela ne le fait pas revenir au galop, rien n’y fera. »

Cela ou quelque autre motif réussit enfin à le rappeler. Il annonça à Joe Scott le jour où il arriverait à Stilbro’, en lui commandant de lui amener son cheval ; et Joe Scott en ayant informé M. Yorke, ce gentleman se décida à aller à sa rencontre.

C’était un jour de marché : Moore arriva à temps pour pren-