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Elle s’inclina.

« Vous êtes très-nerveuse et très-peureuse.

— Vous me complimentiez il y a deux minutes sur ma fermeté.

— Vous êtes peureuse. Si toute cette affaire était froidement examinée et discutée, je suis sûr qu’il serait démontré que vous n’êtes nullement en danger de mourir.

— Amen ! Je tiens beaucoup à vivre, s’il plaît à Dieu. J’ai trouvé la vie douce.

— Comment pourrait-elle être pour vous autrement que douce, avec vos avantages et votre nature ? Est-ce que vraiment vous vous attendez à être saisie d’hydrophobie et à mourir enragée ?

— Je l’ai attendu et je l’ai craint. Maintenant, je ne crains rien.

— Ni moi, d’après votre récit. Je doute que la plus faible parcelle de virus se soit mêlée à votre sang ; et, quand cela serait, laissez-moi vous assurer que, jeune, pleine de santé et douée d’une constitution saine comme vous l’êtes, aucun mal ne s’ensuivrait. Au reste, je m’assurerai si la chienne était bien réellement enragée. Je soutiens qu’elle ne l’était pas.

— Ne dites à personne qu’elle m’a mordue.

— Pourquoi en parlerais-je, lorsque je crois cette morsure aussi innocente qu’une coupure de ce canif ? Tranquillisez-vous. Je suis tranquille, moi, quoique j’attache à votre vie autant de prix qu’à ma part de bonheur dans l’éternité. Regardez en haut.

— Pourquoi, monsieur Moore ?

— Je désire voir si vous êtes gaie. Mettez de côté votre travail : levez la tête.

— Voilà !…

— Regardez-moi. Merci ! Et le nuage est-il dissipé ?

— Je ne crains rien.

— Est-ce que votre esprit a repris sa charmante gaieté naturelle ?

— Je suis très-contente ; mais j’ai besoin de votre promesse.

— Parlez.

— Vous savez que, si le malheur que j’ai craint vient à arriver, ils m’étoufferont. Vous n’avez pas besoin de sourire : ils le feront, ils le font toujours. Mon oncle sera rempli d’hor-