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nuance ! Et puis vous parlez comme une jeune lady, d’un son de voix si clair et si doux ! et vous chantez mieux que je n’ai jamais entendu chanter aucune jeune lady. Pourquoi, maman, portez-vous des robes et des chapeaux comme personne n’en porte ?

— Est-ce que cela vous chagrine, Caroline ?

— Beaucoup ; cela me vexe même. Les gens disent que vous êtes avare, et cependant vous ne l’êtes pas, car vous donnez libéralement aux pauvres et aux sociétés religieuses, quoique vos aumônes soient données si secrètement que peu de personnes les connaissent, excepté celles qui les reçoivent. Mais je veux me faire moi-même votre femme de chambre : lorsque je serai un peu plus forte, je me mettrai à l’œuvre, et il faut que vous soyez bonne, maman, et que vous fassiez ce que je vous ordonnerai. »

Et Caroline s’asseyait près de sa mère, dont elle arrangeait le mouchoir de mousseline et lissait les cheveux.

« Ma propre mère, continuait-elle, comme se plaisant à la pensée de leur parenté, qui est à moi et à laquelle j’appartiens ! Maintenant je suis une fille riche : j’ai quelque chose à aimer, et que je puis aimer sans crainte. Maman, qui vous a donné cette petite broche ? laissez-moi l’ôter et l’examiner. »

Mistress Pryor, qui ordinairement n’aimait pas l’approche de mains étrangères, la laissa faire avec complaisance.

« Est-ce papa qui vous l’a donnée, maman ?

— Elle m’a été donnée par ma sœur, mon unique sœur Cary. Plût à Dieu que votre tante Caroline eût vécu assez pour voir sa nièce !

— N’avez-vous rien de papa ? aucun bijou, aucun cadeau ?

— Je n’ai qu’une chose.

— À laquelle vous tenez ?

— À laquelle je tiens.

— Précieuse et jolie ?

— Inestimable et douce pour moi.

— Montrez-la moi, maman. Est-ce que vous l’avez ici, ou bien est-elle à Fieldhead ?

— Elle me parle maintenant en s’appuyant sur moi et en m’enlaçant dans ses bras.

— Ah ! maman, vous voulez parler de votre ennuyeuse fille, qui ne vous laisse jamais un instant de repos ; qui, lorsque vous vous retirez dans votre chambre, ne peut s’empêcher de