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nourriture, et commençait à indiquer ses préférences. Avec quel plaisir et quel soin rempli d’amitié, sa mère préparait ce qu’elle avait choisi !

La nourriture ramena les forces. Elle put enfin se tenir levée. Elle désirait ardemment respirer l’air pur, visiter ses fleurs et voir si le fruit mûrissait. Son oncle, toujours libéral, avait acheté une chaise de jardin pour elle. Il descendit Caroline dans ses propres bras, la plaça lui-même dans la chaise, et William Farren, qui avait été appelé, fut chargé de la promener le long des allées, pour lui montrer ce qu’il avait fait pour ses plantes et prendre ses instructions pour le travail à venir.

William et elle avaient beaucoup de choses à se dire : il y avait une douzaine de sujets qui, sans importance pour le reste du monde, les intéressaient l’un et l’autre. Ils prenaient tous deux le même intérêt pour les animaux, les oiseaux, les insectes et les plantes ; ils professaient des doctrines pareilles sur l’humanité et la création inférieure, et étaient portés l’un et l’autre aux minutieuses observations sur l’histoire naturelle. Les habitudes et les mœurs de quelques abeilles de terre qui avaient creusé leur demeure sous un vieux cerisier étaient un sujet plein d’intérêt ; la retraite de certains verdiers et la sécurité d’œufs ressemblant à des perles et de petits oiseaux à peine éclos en étaient un autre.

Si le Journal de Chambers avait existé alors, il eût bien certainement été le périodique favori de miss Helstone et de Farren. Elle aurait souscrit, et lui eût régulièrement prêté les numéros. Tous deux eussent ajouté une foi implicite et trouvé grande saveur dans ses merveilleuses anecdotes sur la sagacité des animaux.

Ceci est une digression ; mais elle sert à expliquer pourquoi Caroline ne voulait pas d’autre main que celle de Farren pour diriger sa chaise, et pourquoi la société et la conversation de ce dernier donnaient un suffisant intérêt à ses promenades au jardin.

Mistress Pryor, se promenant près d’elle, s’étonnait de voir sa fille si parfaitement à l’aise avec un homme du peuple. Elle trouvait qu’il lui était impossible de parler à cet homme autrement qu’avec une certaine roideur. Il lui semblait qu’un abîme séparât sa caste de la sienne, et que traverser cet abîme ou faire la moitié du chemin serait se dégrader. Elle dit doucement à Caroline :