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s’était crue forcée de consentir : d’ailleurs, il n’était pas dans sa nature de refuser une demande qui s’adressait à la fois à la bonté de son cœur, et, par une confession de dépendance, flattait son amour-propre. Quant à Robert, de Birmingham il s’était rendu à Londres, où il était encore.

Aussi longtemps que le souffle des déserts asiatiques dessécha les lèvres de Caroline et enflamma ses veines, sa convalescence physique ne put marcher d’un pas égal avec le retour de sa tranquillité mentale ; mais il vint un jour où le vent cessa de gémir contre le pignon est de la rectorerie et à travers la fenêtre de l’église qui regardait le levant. Un petit nuage large comme la main s’éleva vers l’ouest ; le vent, soufflant de ce même côté, l’élargit bientôt ; la pluie et la tempête prévalurent un instant, après lesquels le soleil se montra radieux ; le ciel avait retrouvé la pureté de son azur et la terre sa verdure. La livide teinte du choléra avait abandonné la face de la nature : les montagnes se dressaient claires, à l’horizon dépouillé de ce pâle brouillard de malaria.

La jeunesse de Caroline, les tendres soins de sa mère, joints au bienfait de ce vent pur que Dieu, dans sa miséricorde, faisait souffler doux et frais à travers la fenêtre toujours ouverte de sa chambre, ranimèrent son énergie depuis longtemps languissante. Enfin, mistress Pryor vit qu’il lui était permis d’espérer ; une bonne et franche convalescence avait commencé. Non-seulement le sourire de Caroline était plus doux et son humeur plus gaie, mais son visage et son œil avaient perdu une certaine expression, une expression redoutée et indescriptible, mais que se rappelleront aisément ceux qui ont veillé au chevet de malades en danger. Longtemps avant que l’émaciation de ses traits disparût, ou que la couleur retournât à ses joues, un plus subtil changement s’opéra ; tout dans sa physionomie devint plus chaud et plus doux. Au lieu d’un masque de marbre et d’un œil vitreux, mistress Pryor vit sur l’oreiller un visage encore assez pâle et dévasté, plus hagard peut-être que l’autre, mais moins terrible ; car c’était une jeune fille malade et vivante, non un simple masque blanc ou une roide statue.

Alors elle ne demandait plus sans cesse à boire. Les mots : « J’ai soif, » cessèrent d’être sa plainte. Quelquefois, lorsqu’elle avait avalé un morceau, elle disait qu’elle se sentait revivre : elle n’éprouvait plus de dégoût à entendre parler de