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CHAPITRE XXIV.

Le souffle du vent de l’ouest.


Ceux qui engagent avec Dieu une semblable lutte ne remportent pas toujours la victoire. Nuit après nuit, la froide sueur de l’agonie peut encore perler sur le front du patient. Le suppliant peut crier merci avec cette voix sourde que l’âme emploie dans son appel à l’Invisible : « Épargne l’objet de mon amour ! Rends la santé à la source de ma vie ! N’arrache pas de moi ce qu’une longue affection a assimilé à tout mon être ! Dieu du ciel, exauce ma prière, sois clément et miséricordieux. » Et, après ce cri et ce combat, il peut arriver que le soleil se lève sur une agonie plus désespérée. Au lieu du souffle des zéphyrs et des chants de l’alouette qui avaient coutume de le saluer avec la venue de l’aurore, le suppliant peut souvent entendre ces tristes accents passant entre des lèvres que la couleur et la vie ont depuis longtemps abandonnées :

« Oh ! j’ai eu une douloureuse nuit. Je suis plus mal ce matin. J’ai essayé de me soulever ; je ne le puis. Des songes auxquels je ne suis point habitué m’ont tourmenté toute la nuit. »

Alors le malheureux parent s’approche de l’oreiller du malade, et voit qu’un étrange changement s’est opéré sur ses traits : il comprend que le terrible moment approche, que Dieu a voulu que l’idole de son affection fût brisée ; il courbe la tête, et se soumet à la sentence qu’il n’a pu éviter et qui l’accable.

Heureuse mistress Pryor ! elle priait encore, ne s’apercevant pas que le soleil d’été dorait déjà de ses rayons le sommet des montagnes, lorsque son enfant s’éveilla doucement dans ses bras. Aucun de ces gémissements douloureux qui nous percent le cœur, font évanouir toutes nos résolutions de fermeté et nous arrachent des larmes, ne précéda son réveil. Aucun moment de froide apathie ne le suivit. Les premiers mots qu’elle prononça n’étaient point d’une personne qui devient étrangère à ce monde, et qui commence à s’égarer par