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thie, à M. Moore ; mais vous ne devez pas conclure de là qu’il parle et pense toujours avec le même sens et la même sympathie.

Premièrement, M. Yorke était tout à fait dépourvu de l’organe du respect, défaut qui conduit un homme à se tromper dans toutes les circonstances de la vie où le respect est nécessaire. Secondement, il manquait de l’organe de la comparaison, défaut qui prive un homme de sensibilité. Troisièmement, il avait les organes de la bienveillance et de l’idéalité trop peu développés, ce qui, en privant sa nature de bienveillance et de poésie, le portait à croire que ces qualités n’existaient nulle part.

Le défaut de respect le rendait intolérant pour ceux qui étaient au-dessus de lui : rois, nobles et prêtres, dynasties, parlements, gouvernements, avec leurs actes, leurs lois, leurs formes, leurs droits, étaient pour lui une abomination, des ruines dont il y aurait tout bénéfice à se débarrasser. Son cœur était comme mort, et n’éprouvait jamais le choc électrique de l’admiration. Ce défaut de respect tarissait en lui mille sources de pures jouissances, et flétrissait ses plus vifs plaisirs. Il n’était pas irréligieux, bien qu’il ne fût membre d’aucune secte, mais sa religion ne pouvait être celle de l’homme qui sait vénérer. Il croyait en Dieu et au ciel, mais son Dieu et son ciel étaient ceux d’un homme dépourvu de crainte, d’imagination et d’amour.

La faiblesse de l’organe de la comparaison le rendait inconséquent ; en même temps qu’il professait quelques excellentes doctrines générales d’indulgence et de tolérance naturelles, il conservait envers certaines classes une stupide antipathie. Il parlait du clergé et de tout ce qui touchait au clergé, des lords et de tout ce qui se rapportait aux lords, avec une âpreté, quelquefois même avec une insolence aussi injustes qu’insupportables. Jamais il ne lui arrivait de se mettre à la place de ceux qu’il vitupérait, de comparer leurs erreurs et leurs défauts avec les tentations et les désagréments de leur position. Il ne se demandait point s’il eût fait autrement en pareille situation, et exprimait souvent les vœux les plus féroces et les plus tyranniques contre ceux qui avaient agi, selon lui, avec férocité et tyrannie. À en juger par ses menaces, pour faire progresser la cause de la liberté et de l’égalité, il n’eût pas reculé devant l’emploi de moyens arbitraires et même cruels ? L’égalité ! oui,