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reins, je puis au moins comprendre ce qu’elle veut ; mais lorsqu’elles soupirent après je ne sais quoi, la sympathie, le sentiment et autres abstractions incompréhensibles, je ne puis rien pour elles ; je ne connais pas cela, et ne peux le leur donner. Madame, veuillez accepter mon bras. »

Mistress Pryor dit qu’elle entendait demeurer avec sa fille le reste de la soirée. En conséquence, Helstone les laissa ensemble. Il reparut bientôt, portant une assiette dans sa main consacrée.

« Ceci est du poulet, dit-il, mais nous aurons du perdreau demain. Asseyez-la sur son lit et jetez un châle sur elle. Sur ma parole, je m’entends à soigner un malade. Maintenant, voici la même petite fourchette d’argent dont vous vous serviez lorsque vous vîntes la première fois à la rectorerie ; voilà ce que vous pouvez appeler une heureuse pensée, une délicate attention. Prenez cela, Cary, et mangez bien. »

Caroline fit de son mieux. Son oncle fut étonné de lui voir si peu d’appétit : il prophétisa néanmoins de grandes choses pour l’avenir ; et, comme elle louait le morceau qu’il lui avait apporté et lui souriait gracieusement, il se pencha sur son oreiller, l’embrassa et lui dit d’un accent rude et entrecoupé :

« Bonsoir, petite ; Dieu te bénisse ! »

Caroline jouit cette nuit-là d’un si paisible repos, entourée des bras de sa mère et la tête appuyée sur sa poitrine, qu’elle oublia de désirer une autre destinée ; et, bien que plus d’un songe fiévreux vînt encore agiter son sommeil, lorsqu’elle s’éveilla oppressée, un sentiment d’heureuse satisfaction s’empara d’elle et fit disparaître à l’instant toute trace d’agitation.

Quant à la mère, elle passa cette nuit comme Jacob à Péniel. Jusqu’à la pointe du jour elle lutta contre Dieu avec d’ardentes prières.