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M. Helston remonta ses lunettes de son nez à son front, prit sa tabatière et s’administra une partie de son contenu. Ainsi fortifié, il répondit brièvement ;

« Je vois clair. Vous le lui avez donc dit, madame ?

— Et cela est-il vrai ? demanda Caroline se levant de dessus son oreiller. Est-elle réellement ma mère ?

— Vous ne pleurerez pas, vous ne ferez pas une scène, vous ne vous évanouirez pas si je vous réponds oui ?

— Pleurer ! Je pleurerais si vous disiez non. Il serait terrible d’être désappointée à présent. Mais donnez-lui un nom. Comment l’appelez-vous ?

— J’appelle cette grosse lady dans un singulier vêtement noir, qui paraît assez jeune pour porter de beaucoup plus gais habits si elle le voulait, je l’appelle Agnès Helstone ; elle était mariée avec mon frère James Helstone et elle est sa veuve.

— Et ma mère ?…

— Quelle petite incrédule vous faites ; regardez son pauvre petit visage, mistress Pryor, à peine plus grand que la paume de la main, animé de finesse et d’ardeur. (À Caroline :) Elle a eu la peine de vous mettre au monde, tout au moins. Faites attention que vous lui devez de vous rétablir promptement et de réparer les ravages de ces joues. Tudieu, elle avait l’habitude d’être grasse ; qu’a-t-elle fait de son embonpoint ? c’est ce qu’il m’est impossible de deviner.

— Si le désir de guérir a quelque influence sur moi, je ne serai pas longtemps malade. Ce matin encore je n’avais ni la raison ni la force de le vouloir. »

En ce moment Fanny était à la porte et annonça que le dîner était servi.

« Mon oncle, s’il vous plaît, envoyez-moi un peu à souper quelque chose que vous aimez, de votre propre assiette. Cela est plus sage que de tomber en des attaques de nerfs, n’est-ce pas ?

— C’est parler comme un sage, Cary. Vous verrez si je ne choisis pas judicieusement. Quand les femmes sont sensées et se font comprendre, je peux marcher avec elles. Ce sont seulement les sensations vagues et quintessenciées, les idées raffinées à l’extrême, qui me déroutent. Qu’une femme me demande un plat ou un vêtement, fût-ce un œuf de roc ou le pectoral d’Aaron, une portion des sauterelles ou du miel dont se nourrissait saint Jean, ou la ceinture de cuir dont il ceignait ses