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« Quelle heure est-il, madame ? demandait-elle.

— Neuf heures passées.

— Pas plus tard ? oh ! j’ai encore devant moi une longue nuit ; mais le thé m’a donné des forcés : je veux me lever. »

Mistress Pryor la souleva et arrangea son oreiller.

« Grâce au ciel, je ne suis pas toujours également malheureuse, malade et sans espoir. L’après-midi a été mauvaise depuis le départ d’Hortense ; peut-être la soirée sera-t-elle meilleure. Il fait une belle nuit, je pense. La lune brille d’un vif éclat.

— Très-belle ; Une vraie nuit d’été. La vieille tour de l’église brille comme si elle était d’argent.

— Est-ce que le cimetière paraît paisible ?

— Oui, et le jardin aussi ; la rosée brille sur le feuillage.

— Voyez-vous de longues herbes et des orties entre les tombes, ou vous paraissent-elles couvertes de gazon ou de fleurs ?

— Je vois des marguerites brillant comme des perles sur quelques tertres. Thomas a fauché les feuilles d’oseille et les mauvaises herbes, et les a enlevées.

— J’aime toujours à voir faire cela ; cela soulage l’âme de voir ce lieu en ordre, et je suis sûre que dans l’église, la lune brille en ce moment d’un éclat aussi doux que dans ma chambre. Sa lumière doit tomber en plein, à travers la fenêtre de l’Est, sur le monument de la famille Helstone. Quand je ferme les yeux, il me semble voir, en lettres noires sur le marbre blanc, l’épitaphe de mon pauvre père. Il y a au-dessus beaucoup de place pour d’autres inscriptions.

— William Farren est venu ce matin voir vos fleurs ; il craignait, maintenant que vous ne pouvez leur donner vos soins, de les trouver négligées. Il a emporté deux de vos plantes favorites chez lui pour les soigner.

— Si je fais un testament, je laisserai toutes mes plantes à William ; à Shirley mes colifichets, à l’exception d’un seul, qui ne doit pas être enlevé de mon cou, et à vous, madame, mes livres. (Après une pause :) Mistress Pryor, j’ai une ardente envie de quelque chose.

— De quoi, Caroline ?

— Vous savez que j’éprouve toujours un vif plaisir à vous entendre chanter : chantez-moi donc l’hymne qui commence ainsi : « Notre Dieu, etc. »

Mistress Pryor se mit à chanter.