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oncle veut bien me permettre de vous donner mes soins. Le permettrez-vous aussi, Caroline ?

— Je suis fâchée que vous preniez une telle peine. Je ne me sens pas très-malade, mais je ne peux refuser absolument : ce sera une si grande consolation pour moi de savoir que vous êtes dans la maison, de vous voir quelquefois dans ma chambre ! mais ne vous séquestrez pas à cause de moi, chère mistress Pryor. Fanny me soigne fort bien. »

Mistress Pryor, se penchant sur la pâle petite malade, arrangeait ses cheveux sous son bonnet et relevait doucement son oreiller. Pendant qu’elle accomplissait cet office, Caroline, souriant, leva son visage pour l’embrasser.

« Ne souffrez-vous plus ? Êtes-vous bien à votre aise ? demanda d’une voix douce et émue la garde-malade volontaire, en se prêtant à la caresse.

— Je crois que je suis presque heureuse.

— Vous désirez boire ? Vos lèvres sont desséchées. »

Elle lui présenta un verre rempli d’une boisson rafraîchissante.

« Avez-vous mangé quelque chose aujourd’hui, Caroline ?

— Je ne peux pas manger.

— Mais votre appétit reviendra bientôt ; il faut qu’il revienne. C’est-à-dire, je prie Dieu qu’il revienne. »

En la replaçant de nouveau sur sa couche, elle l’entoura de nouveau de ses bras ; et, par un mouvement qui semblait à peine volontaire, elle l’attira sur son cœur, et l’y tint pressée un instant.

« Je désire à peine aller mieux, afin de pouvoir vous conserver toujours près de moi, » dit Caroline.

Mistress Pryor ne sourit point à cette parole : elle était en proie à un tremblement que pendant quelques minutes elle s’efforça de réprimer.

« Vous êtes plus accoutumée à Fanny qu’à moi, dit-elle bientôt ; je suis portée à penser que mon assistance officieuse doit vous paraître étrange.

— Non : tout à fait naturelle, au contraire, et très-agréable. Vous devez avoir été habituée à soigner des malades, madame. Vous marchez si doucement dans la chambre, vous parlez si tranquillement et me touchez si gentiment !

— Je ne suis adroite en rien, ma chère. Vous me trouverez souvent gauche, mais jamais négligente. »

Et elle n’était pas négligente en effet. De ce moment, Fanny et Élisa devinrent des zéros dans la chambre de la malade. Mis-