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— Mon cher, répliqua Hortense, Robert, c’est tout ce qu’il y a de plus précieux au monde ; à côté de lui, le reste du genre humain n’est que du rebut. N’ai-je pas raison, mon enfant ? » ajouta-t-elle, s’adressant à Caroline.

Caroline fut obligée de répondre oui ; mais son phare était éteint, son étoile s’était éclipsée lorsqu’elle prononça ce mot.

« Et toi, Robert ? demanda Louis.

— Lorsque vous aurez l’occasion, demandez-le-lui à elle-même, » répondit-il tranquillement. Soit qu’il eût rougi ou pâli, Caroline ne l’examina pas. Elle découvrit qu’il était tard et qu’elle devait rentrer à la maison. Elle voulut rentrer : Robert lui-même ne l’eût pu retenir.




CHAPITRE XXIII.

La vallée de la Mort.


L’avenir semble quelquefois sangloter un sourd avertissement des événements qu’il nous apporte, de même qu’un orage qui se prépare, et qui, par les gémissements du vent, les combats des nuages au ciel, annonce une tempête assez violente pour couvrir la mer de débris, ou pour apporter dans le brouillard sur les îles de l’Ouest les exhalaisons empoisonnées de l’Orient, obscurcissant les fenêtres des maisons de l’Angleterre avec le souffle de la peste indienne. D’autres fois l’avenir s’offre soudainement, comme si un rocher se déchirant découvrait un tombeau d’où sortirait un corps enseveli. Avant que vous soyez revenu de votre étonnement, vous vous trouvez face à face avec une calamité à laquelle vous ne songiez pas, qui sort de son suaire comme un nouveau Lazare.

Caroline Helstone crut s’en retourner du cottage de Hollow en bonne santé. En s’éveillant le lendemain matin, elle se sentit oppressée par une langueur inaccoutumée : à déjeuner et à tous les repas du jour suivant, elle avait perdu tout appétit ; toute nourriture avait pour elle l’insipidité de la cendre.

« Suis-je malade ? » se demandait-elle en se regardant dans son miroir. Ses yeux étaient plus brillants, leur pupille était