Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sphinx ! Mais maintenant, voyez-nous ensemble ; change de place, Louis. Change encore, pour l’embarrasser. Quel est votre vieil ami, maintenant, Lina ?

— Comme s’il était possible de se tromper lorsque vous parlez ! vous auriez dû me faire adresser la question par Hortense. Mais vous n’êtes pas tout à fait ressemblant ; c’est seulement votre taille, votre figure, votre teint, qui sont semblables.

— Et je suis Robert, n’est-ce pas ? » demanda le nouveau venu, faisant un premier effort pour surmonter ce qui semblait sa timidité naturelle.

Caroline secoua glorieusement la tête. Un doux et expressif rayon de ses yeux brillait sur le vrai Robert. Ce regard disait tout.

Il ne lui fut pas permis de quitter à l’instant ses cousins. Robert lui-même se montra péremptoire en la forçant à rester. Contente, simple et affable dans ses manières (contente ce soir-là, du moins), et en joyeuse humeur pour le moment, elle était une trop agréable addition à la réunion du cottage pour qu’aucun de ses cousins consentît volontiers à son départ. Louis paraissait être un homme grave, posé, aimant la retraite ; mais la Caroline de ce soir-là, qui n’était pas, comme vous le savez, lecteur, la Caroline de chaque jour, eut bientôt vaincu sa réserve et égayé sa gravité. Il s’assit auprès d’elle et lui parla. Elle savait déjà que sa carrière était l’enseignement ; elle apprit que depuis quelques années il était le précepteur du fils de M. Sympson, qu’il avait voyagé avec lui et l’avait accompagné dans le Nord. Elle lui demanda s’il aimait son poste, mais il lui fut répondu par un regard qui lui ôta l’envie d’une nouvelle question sur ce sujet. Ce regard éveilla la sympathie de Caroline : elle comprit toute la tristesse de l’expression qui passa sur la figure intelligente de Louis, car elle lui trouvait une figure intelligente, quoique, selon elle, bien inférieure en beauté à celle de Robert. Elle se retourna pour faire la comparaison. Robert était appuyé contre le mur, un peu derrière elle, tournant les feuillets d’un livre de gravures, et probablement écoutant en même temps le dialogue qui s’était établi entre elle et Louis.

« Comment avais-je pu les trouver ressemblants ? se demanda-t-elle à elle-même. Je vois maintenant que c’est à Hortense que Louis ressemble, et non à Robert. »

Et cela était en partie vrai : il avait le nez plus long et la lèvre supérieure avancée de sa sœur, plutôt que les beaux