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de la grande dame, où elle se tenait assise sur un tabouret, dérobée à la vue par les plis de la vaste robe rouge, et, courant vers miss Helstone, lui jeta sans façon ses bras autour du cou et lui demanda un baiser.

« Ma mère n’a pas été polie pour vous, dit-elle en recevant et rendant un souriant salut, et Rose, que voilà, ne fait nulle attention à vous : c’est leur habitude. Si, au lieu de vous, un ange aux blanches ailes, avec une couronne d’étoiles, était entré dans cette chambre, ma mère eût fait un roide salut, et Rose n’eût pas levé du tout la tête ; mais je serai votre amie ; je vous ai toujours aimée.

— Jessie, réprimez votre langue, et retenez votre familiarité ! dit mistress Yorke.

— Mais, ma mère, vous êtes si froide ! s’écria Jessie. Miss Helstone ne vous a jamais fait de mal ; pourquoi ne seriez-vous pas aimable pour elle ? Vous êtes si roide, votre regard est si froid, votre parole si sèche ! Pourquoi ? C’est absolument de cette manière que vous traitez miss Shirley Keeldar et toutes les jeunes ladies qui viennent dans notre maison. Et Rose, que voilà, est une telle aut… aut… j’ai oublié le mot, mais il signifie une machine sous la forme d’un être humain. À vous deux, cependant, vous feriez fuir tout le monde de Briarmains. Martin dit souvent cela.

— Je suis une automate ? Bon ! laissez-moi tranquille, alors, dit Rose, du petit coin où elle était assise sur le tapis, au pied d’une petite bibliothèque, avec un livre ouvert sur ses genoux. Miss Helstone, comment vous portez-vous ? » ajouta-t-elle en dirigeant un instant son regard vers cette dernière, puis reportant ses beaux yeux gris sur le livre qu’elle dévorait.

Caroline tourna les yeux vers elle, contemplant sa contenance absorbée, et observant, à mesure qu’elle lisait, un certain mouvement de sa bouche, mouvement plein de caractère. Caroline avait du tact ; elle était douée d’un instinct remarquable. Elle sentait que Rose était une enfant peu ordinaire : elle savait comment la prendre. S’approchant doucement, elle s’agenouilla sur le tapis à côté d’elle, et regarda sur son livre par-dessus sa petite épaule : c’était un roman de mistress Radcliffe, l’Italien.

Caroline lut avec elle, sans faire aucune remarque : arrivée au bas de la page, Rose eût l’attention de lui demander avant de tourner le feuillet :