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d’un quart d’aune autour de la tête qui le portait ; le ruban, qui s’étalait en nœuds et en étoffes autour de la tête, était ce que l’on appelait alors du ruban d’amour ; il y en avait une grande quantité, je puis dire une très-grande quantité : le bonnet et la robe étaient portés par mistress Yorke, et tous deux lui convenaient parfaitement.

La noble lady était venue amicalement prendre le thé avec miss Moore. C’était presque une faveur aussi grande et aussi rare que si la reine allait, sans y être invitée, dîner à la fortune du pot avec un de ses sujets : mistress Yorke ne pouvait donner à miss Moore une plus haute marque de distinction, elle qui, en général, méprisait les visites et les thés, et stigmatisait de l’épithète de « commères » toutes les filles et les matrones du voisinage.

Il n’y avait pas à s’y tromper, cependant : miss Moore était l’objet de sa prédilection ; elle l’avait fait voir plus d’une fois, soit en s’arrêtant pour lui parler le dimanche à l’église, soit en l’invitant presque cordialement à aller à Briarmains, et ce jour-là même en poussant la condescendance jusqu’à lui faire personnellement une visite. La raison qu’elle se donnait à elle-même de cette préférence, était que miss Moore était une femme d’un caractère ferme et digne, qui ne montrait jamais la moindre légèreté dans sa conversation ni dans sa démarche ; et aussi, qu’étant étrangère, elle avait besoin d’une amie pour la soutenir. Elle aurait pu ajouter que son air simple, ses vêtements sans recherche, ses manières flegmatiques et peu attrayantes, étaient pour elle autant de recommandations additionnelles. Il est certain au moins que les ladies remarquables par les qualités opposées, la beauté, l’air gai, le goût et l’élégance de leur mise, n’avaient pas souvent l’approbation de mistress Yorke. Tout ce que les hommes ont coutume d’admirer chez les femmes, mistress Yorke le condamnait ; tout ce qu’ils méprisent ou dédaignent, elle le patronnait.

Caroline s’avança vers la matrone avec un certain sentiment de défiance. Elle savait peu de chose de mistress Yorke, et, comme nièce d’un recteur, elle était inquiète sur l’accueil qui lui était réservé. Cet accueil fut très-froid, et elle s’empressa de cacher sa déconvenue en se détournant pour ôter son chapeau. Puis, lorsqu’elle se fut assise, elle ne fut pas fâchée de se voir immédiatement accostée par une petite fille en robe bleue, qui s’élança comme une petite fée du pied de la chaise