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être fiers de vos filles et non rougir d’elles ; cherchez-leur alors une occupation et un intérêt qui en puissent faire autre chose que des coquettes et des médisantes. Tenez enchaînée l’intelligence de vos filles, elles seront pour vous une plaie, un souci, un opprobre ; cultivez-la, donnez-leur un but et une occupation, elles seront vos gaies compagnes dans la santé, vos plus tendres gardes dans la maladie, vos plus fidèles soutiens dans la vieillesse.




CHAPITRE XXII.

Une soirée dehors.


Par un beau jour d’été que Caroline avait passé entièrement seule (son oncle étant à Whinbury), et dont les longues heures, brillantes, calmes et sans nuage, avaient été pour elle aussi désolées que si elles eussent passé sur sa tête dans les solitudes sans traces et sans ombre du Sahara, au lieu de s’écouler dans le jardin fleuri d’une maison anglaise, elle était assise dans l’alcôve, son travail sur ses genoux, ses doigts poussant assidûment l’aiguille, ses yeux suivant et réglant leurs mouvements, et son cerveau travaillant sans relâche, quand Fanny vint à la porte, regarda autour d’elle, sur la pelouse et sur les plates-bandes, et, n’apercevant pas celle qu’elle cherchait, appela à haute voix : « Miss Caroline ! »

Une voix faible répondit : « Fanny ! » Cette voix venait de l’alcôve, et Fanny se dirigea à la hâte de ce côté, tenant à la main un billet qu’elle remit entre des doigts qui semblaient avoir à peine la force de le tenir. Miss Helstone ne demanda point d’où venait ce billet, et ne le regarda même pas : elle le laissa tomber au milieu des plis de son travail.

« C’est Harry, le fils de Joe Scott, qui l’a apporté, » dit Fanny.

Cette fille n’était pas une enchanteresse et ne connaissait aucune parole magique, et cependant ce qu’elle venait de dire eut un effet presque magique sur sa jeune maîtresse. Elle leva