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— Wellington est l’âme de l’Angleterre ; Wellington est le vrai champion d’une bonne cause, le digne représentant d’une nation puissante, résolue, sensible et honnête.

— Votre bonne cause, autant que je puis la comprendre, est simplement la restauration de ce vil et faible Ferdinand sur un trône qu’il a déshonoré ; votre digne représentant d’un peuple honnête est un stupide bouvier, agissant pour un plus stupide fermier, et il a contre lui la suprématie victorieuse et le génie invincible.

— Contre la légitimité combat l’usurpation ; contre la modeste, simple, juste et brave résistance à l’envahissement, combat la vaine, fausse, égoïste et traîtresse ambition de posséder. Dieu protège le juste.

— Dieu protège souvent le puissant.

— Alors je suppose que la poignée d’Israélites debout sur le bord asiatique de la mer Rouge était plus puissante que l’armée des Égyptiens rassemblée sur l’autre bord ? Est-ce qu’ils étaient plus nombreux, mieux équipés ? Est-ce qu’ils étaient plus puissants, en un mot ? Ne répondez pas, Moore, ou vous direz un mensonge ; vous le savez. Ils n’étaient qu’une pauvre bande d’esclaves, opprimés par leurs tyrans depuis quatre cents ans ; des femmes et des enfants embarrassaient leurs rangs clair-semés ; leurs maîtres, qui rugissaient en se précipitant à travers les flots divisés, étaient de vigoureux Éthiopiens, aussi forts et aussi féroces que les lions de Libye. Ils avaient des armes, des chevaux, des chariots ; les pauvres Hébreux étaient à pied ; peu d’entre eux, probablement, avaient d’autres armes que leurs bâtons de bergers ou leurs outils de maçons. Leur doux et puissant conducteur lui-même n’avait que sa verge. Mais, soyez-en sûr, Robert Moore, le droit était de leur côté, le Dieu des armées était avec eux ; le crime et l’archange déchu commandaient aux armées des Pharaons ; qui triompha ? Vous le savez bien : « Le Seigneur, en ce jour, sauva Israël des mains des Égyptiens, et Israël vit les Égyptiens morts sur le bord de la mer ; » oui, « les flots les submergèrent, ils descendirent au fond comme une pierre. La main droite du Seigneur se couvrit de gloire ; la main du Seigneur mit en pièces les ennemis. »

— Vous avez raison ; seulement la comparaison est fausse : la France, c’est Israël ; Napoléon, c’est Moïse. L’Europe, avec ses empires fastueux et ses dynasties corrompues, c’est l’Égypte ;