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cessa de la contraindre. Elle sortit du hangar et la laissa pleurer en paix. C’était le parti le plus sage : au bout de quelques minutes, Caroline la rejoignit, beaucoup plus calme. Elle lui dit de sa voix naturelle, douce et aimable :

« Venez, Shirley, nous allons retourner maintenant à la maison. Je vous promets de ne point chercher à voir Robert avant qu’il me fasse demander. Je n’essayerai jamais de me pousser sur son chemin. Je vous remercie de m’en avoir empêchée tout à l’heure.

— Je l’ai fait avec une bonne intention, répondit miss Keeldar. Maintenant, chère Lina, continua-t-elle, tournons le visage à la fraîche brise du matin et regagnons tranquillement la rectorerie. Nous y rentrerons sans bruit, comme nous en sommes sorties : nul ne saura où nous avons été ni ce que nous avons vu cette nuit ; aucune raillerie, aucune mauvaise interprétation ne peut par conséquent nous molester. Demain nous verrons Robert, et nous nous montrerons de belle humeur. Mais je n’en dirai pas davantage, j’aurais peur de pleurer aussi. Je parais dure pour vous, mais je ne le suis pas.




CHAPITRE XIX.

Le lendemain.


Les deux jeunes filles ne rencontrèrent âme qui vive dans leur retour à la rectorerie. Elles rentrèrent sans bruit ; elles se glissèrent à l’étage supérieur sans être entendues : le jour naissant les éclairait suffisamment de ses premiers rayons. Shirley se dirigea immédiatement vers sa couche ; et, quoique le lieu lui parût étrange, car elle n’avait jamais couché à la rectorerie, malgré la scène de terreur et d’excitation à laquelle elle venait d’assister, elle eut à peine posé sa tête sur l’oreiller, qu’un rafraîchissant sommeil vint fermer ses yeux et calmer ses sens.

Une santé parfaite était un des bienfaits dont jouissait Shirley ; elle avait le cœur chaud et sympathique, mais n’était point nerveuse. De puissantes émotions pouvaient l’exciter et