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ment où elles pourraient être utiles ? » C’est ce qu’elles attendaient : car, bien que Shirley parlât en riant de leur arrivée trop tardive et se montrât toujours prête à satiriser son propre enthousiasme et celui des autres, elle n’eût pas hésité à donner une de ses meilleures fermes pour avoir la chance de se rendre utile.

Cette chance ne leur fut pas accordée : elles attendaient une circonstance qui ne se produirait probablement point. Moore avait prévu cette attaque. Il était sur ses gardes et préparé sur chaque point. Il avait fortifié sa fabrique, qui était en elle-même un très-fort bâtiment, et y avait mis garnison. C’était un homme froid et brave qui se défendait avec une inébranlable fermeté ; ceux qui étaient avec lui s’inspiraient de son esprit et imitaient sa contenance. Les émeutiers n’avaient pas encore été reçus ainsi : dans les quatre fabriques qu’ils avaient attaquées, ils n’avaient rencontré aucune résistance ; une défense résolue et organisée était chose à laquelle ils n’avaient point songé. Quand leurs chefs virent le feu soutenu du bâtiment attaqué et la ferme détermination de son propriétaire ; lorsqu’ils se virent froidement défiés et invités à la mort ; lorsqu’ils virent tomber leurs hommes autour d’eux, ils comprirent qu’il n’y avait là rien à faire. Ils rassemblèrent en hâte leurs forces, les éloignèrent de la fabrique, firent un appel auquel les hommes répondirent à un numéro au lieu de répondre à un nom ; puis ils se dispersèrent dans la campagne, laissant derrière eux le silence et la ruine. L’attaque avait duré une heure.

En ce moment le jour approchait : l’obscurité régnait au couchant, mais le levant commençait à s’éclairer. On eût pu croire que les jeunes filles qui venaient d’assister à la lutte allaient se précipiter vers les vainqueurs auxquels elles portaient un si vif intérêt ; mais au contraire elles s’approchèrent prudemment du bâtiment qui venait de soutenir l’assaut, et, lorsque tout à coup une foule de soldats et de gentlemen apparut à la grande porte ouvrant sur la cour, elles se réfugièrent à la hâte sous un hangar servant de dépôt au vieux fer et au bois de construction, d’où elles pouvaient observer sans être vues.

C’était un triste spectacle : cette cour et ses abords étaient une tache de désolation dans la fraîche aurore d’un jour d’été. Le taillis de Hollow était ombreux et humide de rosée, le haut de la colline était verdoyant ; mais là, dans le centre de la