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chant, comme il convient à un prêtre bénéficiaire, sous le dais d’un large chapeau, avec la dignité d’une ample corpulence, embelli par le plus carré et le plus vaste des habits noirs, et s’appuyant sur la plus solide des cannes à pomme d’or. En marchant, le docteur brandissait de temps à autre légèrement sa canne et inclinait son large chapeau d’une façon dogmatique vers son aide de camp. Cet aide de camp, c’est-à-dire Donne, étroit si l’on comparait sa stature avec la large corpulence de son principal, s’efforçait néanmoins de paraître tout à fait un vicaire : tout chez lui dénotait l’impertinence et la bonne opinion de lui-même, depuis son nez en trompette et son menton relevé jusqu’à ses cléricales guêtres noires, ses culottes sans bretelles et ses souliers à pointe carrée.

Allez, monsieur Donne ! vous venez de subir un minutieux examen. Vous avez une excellente opinion de vous-même ; mais que les deux figures blanches et roses qui vous surveillent du haut de la colline là-bas pensent comme vous, c’est une autre question.

Ces deux figures descendent en courant, aussitôt que le régiment a passé : le cimetière est rempli d’élèves et de maîtres, tous dans leurs plus beaux habits des dimanches ; et, dans un district si malheureux, dans des temps si mauvais, il est étonnant qu’ils soient parvenus à s’habiller d’une façon si décente, si élégante même. Cet amour de la décence chez les Anglais peut produire des miracles : la pauvreté qui réduit une fille irlandaise aux haillons est impuissante à dépouiller la fille anglaise de la garde-robe qu’elle sait être indispensable à sa dignité. En outre la dame du manoir, cette Shirley qui regarde avec plaisir cette foule bien habillée et heureuse, n’est pas étrangère à ce bien-être, Sa libéralité opportune a consolé plus d’une pauvre famille qui voyait avec terreur s’approcher les jours de fête, et fourni à plus d’un enfant un habit et un chapeau pour la circonstance ; elle le sait, et elle s’en réjouit ; elle est satisfaite que son argent, son exemple, son influence, aient été réellement de quelque utilité à ses semblables. Elle ne peut être charitable à la manière de miss Ainley, cela n’est pas dans sa nature ; elle est heureuse de voir qu’il y a une autre manière d’exercer la charité, praticable pour d’autres caractères et dans d’autres circonstances.

Caroline aussi est satisfaite ; car elle aussi a fait du beau dans la mesure ses moyens ; elle s’est dépouillée de plus