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CHAPITRE XV.

La Pentecôte.


Le fonds prospéra. L’exemple de Shirley, les vigoureux efforts des trois recteurs et l’aide efficace, quoique peu remuante, de leurs lieutenants à lunettes, Marie-Anne Ainley et Marguerite Hall, produisirent une somme importante qui, judicieusement employée, servit à alléger grandement la détresse des pauvres sans travail. Le voisinage semblait devenir plus calme : depuis quinze jours, on n’avait pas détruit de drap ; aucun attentat contre les fabriques ou contre les demeures des drapiers n’avait été commis dans les trois paroisses. Shirley espérait presque avoir échappé au danger qu’elle avait eu l’intention de conjurer, et que l’orage n’éclaterait pas : avec l’approche de l’été, elle était certaine que le commerce s’améliorerait, ainsi que cela avait toujours lieu. D’ailleurs, la guerre fatale ne pouvait toujours durer ; la paix se ferait un jour, et avec la paix, quelle impulsion serait donnée au commerce !

Tel était le texte des observations qu’elle adressait à son tenancier Gérard Moore, toutes les fois qu’elle le rencontrait en un lieu où la conversation était possible ; observations qu’il écoutait fort tranquillement, trop tranquillement pour qu’elle en fût satisfaite. Par son regard impatient elle s’efforçait alors de tirer autre chose de lui, quelque explication, ou au moins quelque remarque additionnelle. Souriant à sa façon, avec cette expression qui donnait à sa bouche un si remarquable type de douceur, pendant que son front demeurait grave, il répondait que lui-même croyait à la fin de la guerre ; que c’était sur ce fond qu’il avait jeté l’ancre de ses espérances et basé ses spéculations.

« Car vous savez, continuait-il, que la fabrique de Hollow fonctionne en ce moment entièrement en vue de l’avenir : je ne vends rien ; il n’est pas de marché pour mes produits. Je me tiens prêt à profiter de la première issue qui s’offrira. Il n’y a que trois mois, cela m’était impossible. J’avais épuisé mon crédit et mon capital. Vous savez bien qui est venu à mon