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pas de reconnaissance : il n’était jamais reconnaissant pour la bienveillance et les attentions, mais il était enchanté de la sauvegarde. Miss Keeldar, désireuse de se montrer impartiale, offrit des fleurs aux vicaires : ils les acceptèrent avec leur gaucherie native. Malone parut surtout fort embarrassé, avec son bouquet dans une main et son bâton dans l’autre. Le : « Je vous remercie » de Donne fut curieux à entendre : c’était, comme ton, ce que l’on pouvait imaginer de plus fat et de plus arrogant ; il avait l’air de considérer l’offrande comme un hommage rendu à son mérite, et une tentative de la part de l’héritière pour gagner son inappréciable affection. Sweeting seul reçut la poétique offrande comme un vif et sensible petit homme qu’il était, et la mit galamment à sa boutonnière.

Comme récompense de ses bonnes manières, miss Keeldar le prit à part et lui donna une commission qui fit étinceler ses yeux de plaisir. Il partit comme un trait, en tournant la cour, vers la cuisine ; il n’était pas besoin de lui donner des instructions : partout il était comme chez lui. Bientôt il reparut, portant une table ronde qu’il plaça sous le cèdre ; puis il réunit six chaises de jardin qu’il trouva dans les différents bosquets, et les plaça en cercle. La domestique (miss Keeldar n’avait point de valet), arriva avec le service. Sweeting l’aida à placer les assiettes, les verres, les couteaux et les fourchettes ; il l’aida aussi à servir un joli goûter, consistant en volailles froides, jambon et pâtisseries.

Shirley aimait à offrir cette sorte de régal impromptu à quiconque venait la visiter, et rien ne lui plaisait plus que d’avoir un petit ami alerte et obligeant comme Sweeting, pour recevoir joyeusement et exécuter lestement ses instructions hospitalières. David et elle étaient dans les meilleurs termes ; et son dévouement pour l’héritière était tout désintéressé, et ne portait nul préjudice à la fidélité inébranlable qu’il avait vouée à la magnifique Dora Sykes.

Le repas devint d’une gaieté fort vive, à laquelle Donne et Malone, il est vrai, contribuèrent peu, uniquement occupés qu’ils étaient avec le couteau, la fourchette et le verre. Mais, où quatre personnes comme M. Hall, David Sweeting, Shirley et Caroline étaient réunies, amicalement autour d’une table, au milieu d’une verte pelouse, sous un ciel radieux, parmi les fleurs, il ne pouvait y avoir de tristesse.

Dans le cours de la conversation, M. Hall rappela aux ladies