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manque de force chez une lady en apparence si robuste : car mistress Pryor se hâta d’alléguer la fatigue de la marche, la chaleur, comme les raisons de son indisposition accidentelle. Pendant qu’avec plus de précipitation que de cohérence elle énumérait à plusieurs reprises les causes de son épuisement, Caroline s’efforçait doucement de la soulager en lui enlevant son châle et son chapeau. Mistress Pryor n’eût pas accepté de semblables attentions de tout le monde. En général, elle reculait devant le contact ou l’approche d’une main étrangère avec un mélange d’embarras et de froideur peu flatteur pour ceux qui lui offraient leur aide. Pour la petite main de miss Helstone elle se montra plus traitable ; elle cessa de trembler et se calma en quelques minutes.

Une fois dans son assiette ordinaire, elle se mit à causer de sujets familiers. Dans une compagnie mêlée, mistress Pryor ouvrait rarement la bouche, ou, si elle était obligée de parler, elle le faisait sous l’impression d’un sentiment de gêne et s’exprimait mal. Elle excellait dans le dialogue ; son langage, toujours un peu formaliste, était choisi ; ses idées étaient justes, ses connaissances variées et précises ; Caroline éprouva du plaisir à l’écouter, beaucoup plus qu’elle n’eût pu s’y attendre.

Sur le mur opposé au sofa où elles étaient assises se trouvaient trois portraits : celui du centre, au-dessus de la cheminée, était un portrait de femme ; les deux autres étaient des portraits d’hommes.

« Voilà une belle tête, dit mistress Pryor, interrompant une légère pause qui avait suivi une demi-heure de conversation animée. Les traits sont parfaits, nul ciseau de sculpteur ne pourrait ajouter à leur beauté. C’est un portrait d’après nature, je présume ?

— C’est le portrait de mistress Helstone.

— De mistress Matthewson Helstone ? de la femme de votre oncle ?

— Oui, et on le dit d’une parfaite ressemblance. Avant son mariage, elle était citée comme la beauté du district.

— Et à juste titre : quelle pureté de lignes ! C’est cependant un visage passif. L’original n’a pas dû être ce qu’on appelle généralement une femme d’esprit.

— Je crois que c’était une personne remarquablement calme et silencieuse.

— On a peine à croire, ma chère, que le choix de votre